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Mettant en scène Cécile, une adolescente libre et manipulatrice, Bonjour tristesse, premier roman de François Sagan, a bousculé les valeurs morales de l’époque et donné une voix à la jeunesse. Retour sur un mythe flamboyant.
À l’été 1953, Françoise Sagan, âgée de 17 ans, s’attelle à l’écriture de Bonjour tristesse, dont le titre est emprunté à un poème de Paul Éluard. L’étudiante, qui se nomme Quoirez, n’a pas encore adopté son pseudonyme proustien, inspiré de la princesse de Sagan d’À la recherche du temps perdu. Elle ne se doute pas que Julliard va publier son manuscrit quelques mois plus tard, en mars 1954. L’intrigue met en scène Raymond, veuf séduisant, sa maîtresse Elsa et sa fille de 17 ans, Cécile, en vacances sur la Côte d’Azur. L'adolescente va rencontrer un beau jeune homme, Cyril, dans les bras duquel elle perd sa virginité. L’intrigue se complexifie avec l’arrivée d’Anne, une amie de la famille, qui entend reprendre en main son éducation. Cécile va alors fomenter un complot aux conséquences tragiques. Sur cette trame, le "charmant petit monstre", comme la surnomme alors François Mauriac, fait voler en éclats toutes les conventions sociales dans la France empesée de René Coty et obtient le prix des Critiques. Le livre s'arrache, et le premier tirage est épuisé en quelques semaines. Vendu à plus d’un million d’exemplaires et, entre autres gloires, censuré par le Vatican, Bonjour tristesse devient le premier best-seller de l’après-guerre.
Fureur de vivre
Pour retracer l’histoire du mythe, le film tresse habilement images d’archives, interviews de Sagan, dont l’humour et la vivacité d’esprit tranchent avec le ton paternaliste de l’époque, passages du roman lus par Catherine Deneuve et extraits de l’adaptation qu’en fit Otto Preminger en 1958 avec Jean Seberg et David Niven. Il dévoile ainsi la genèse et la création du mythe Sagan, jeune femme insouciante, vivant en bande, dépensant son argent sans compter, conduisant des bolides à l’instar de James Dean auquel on la compare. Avec elle, la jeunesse commence à faire entendre sa voix, et la société confite d’après-guerre va devoir la regarder dans les yeux. Car Bonjour tristesse annonce la libération sexuelle, la remise en cause du modèle familial et l’émancipation féminine : des revendications qui exploseront avec Mai 1968.
Sarah est une astronaute française qui s'apprête à quitter la terre pour une mission d'un an, Proxima. Alors qu'elle suit l'entraînement rigoureux imposé aux astronautes, seule femme au milieu d'hommes, elle se prépare surtout à la séparation avec sa fille de 8 ans.
Le documentariste Sébastien Lifshitz dévoile l'histoire restée secrète d'une communauté de travestis dans l'Amérique des années 1950-1960. À partir d'une collection inédite de photos amateurs, le réalisateur y retrace de passionnants récits d'émancipation.
Sur un plateau télé, quatre femmes sont alignées sur un canapé. Elles portent des diadèmes et des robes sexy. Hors champ, une voix masculine demande à la première : "Ce sont vos vrais cils ?" "Non", répond-elle. Puis la voix questionne une élégante blonde prénommée Simone : "Où avez-vous acheté cette robe ?" "Je l'ai faite moi-même", répond-elle. Face caméra désormais, le présentateur révèle que derrière ces "charmantes candidates" se cachent des hommes, donc des hors-la-loi. Par cette archive introductive, le réalisateur Sébastien Lifshitz pose d'emblée le contexte historique. Dans l'Amérique puritaine des années 1960, se travestir est un délit et une prise de risque énorme. C'est cette histoire secrète qu'il s'apprête à raconter : celle d'une communauté de travestis se réunissant régulièrement dans une maison isolée des Catskills, un havre montagneux de l'État de New York, pour y vivre librement leur identité féminine. Près de soixante ans plus tard, le réalisateur filme Kate et Diana, deux membres de la Casa Susanna, ce lieu d'affranchissement collectif qui a changé leur vie. Dans la lumière rasante d'une fin d'après-midi, face à la maison en bardage blanc encore debout, Kate raconte : "Pour la première fois, je pouvais parler de choses que je n'imaginais même pas." Diana se souvient, elle, de son émotion quand, à peine entrée dans la maison, elle se voit proposer une mise en pli. "Personne ne m'avait jamais coiffée. Gloria m'a offert des talons. Les gens me sifflaient. C'était incroyable à quel point ces petits plaisirs étaient palpitants."
Vies parallèles
Pendant dix ans, ces réunions clandestines ont été photographiées pour composer des albums-souvenirs à usage privé. Découverte par hasard par un couple d'antiquaires, l'exceptionnelle collection de photos amateurs qui a documenté ce phalanstère a permis de faire renaître en images ces séjours où, habillées en femmes chics de la ville, les habituées de la Casa Susanna s'organisaient une vie parallèle à l'écart d'un monde qui les réprimait. "Entre le CE2 et le CM1, je m'endormais en priant pour que je me réveille en fille", raconte Diana qui a grandi dans l'Iowa, élevée par une mère luthérienne pratiquante, considérant les travestis comme des malades à réparer à coup d'électrochocs. En croisant les points de vue, à travers les témoignages souvent poignants des protagonistes directs mais aussi de leurs descendants, Sébastien Lifshitz recompose le puzzle de cette poche de résistance passée sous silence et en révèle l'audace folle.
Troisième volet de cette collection originale sur l'histoire de l'art, ce savant documentaire passe au peigne fin le tableau Marthe et Marie Madeleine, chef-d'œuvre du Caravage aux multiples clefs, réalisé à l'heure de la Contre-Réforme.
C'est un peigne en ivoire à la dent cassée, comme négligemment posé sur la table au premier plan. Dans Marthe et Marie Madeleine, Michelangelo Merisi, dit Le Caravage, a représenté un épisode des Évangiles comme un arrêt sur image : Marthe, l'une des premières disciples de Jésus, y raconte la vie du Christ à sa sœur Marie Madeleine, prostituée à la boucle de cheveux frivole, l'incitant à épouser la foi chrétienne. Arrachée aux plaisirs terrestres, celle-ci est saisie sur le vif, à l'instant même où elle est touchée par la grâce et où son monde intérieur se transforme. Symbole de sa vie passée de vanité, ce peigne constitue l'une des clefs du chef-d'œuvre. Comment cet objet intrigant est-il parvenu en 1598 dans la Ville éternelle, qui attire à l'époque tous les grands esprits et talents, mais aussi des bandits et vagabonds, et se métamorphose la nuit en capitale du désir, de la luxure, de la violence et de la démesure ? À l'heure où la Réforme menace ses dogmes et séduit les âmes perdues, l'Église utilise l'art comme une arme à la gloire de Dieu. Dans cette féroce croisade de la beauté, le maître du clair-obscur installé depuis peu à Rome, artiste bagarreur qui hante les bas-fonds et prend pour modèles courtisanes et gens de la rue, y est sollicité pour son génie.
Mystères de l'art
Décryptant les codes secrets de ce tableau nomade à l'attribution tardive, conservé à l'Institute of Arts de Detroit, Le peigne de Caravage plonge dans l'ambition artistique de la Contre-Réforme, les plaisirs transgressifs de la cité des papes et la soif d'absolu du Caravage. Il remonte aussi à la conquête par les Portugais, à partir des côtes africaines, du royaume Kongo au précieux ivoire, dont un mystérieux ambassadeur sera accueilli et inhumé avec les honneurs au Vatican... Pour éclairer cette histoire de l'art aussi savante que vivante, une série de personnages surprenants voire extravagants, la tenancière romaine d'un club libertin, un garde-forestier angolais, un duo de coiffeurs ou un ivoirier parisien, documentent l'enquête avec sagacité. À travers le détail de la toile du peintre naturaliste à l'ardente spiritualité s'ouvre ainsi, entre ombre et lumière, une vertigineuse fenêtre sur le monde.
Au travers d’archives récemment exhumées et de poignants témoignages, une reconstitution abyssale du procès de Prague en 1952, à l’origine du livre "L’aveu" d’Artur London, adapté à l’écran par Costa-Gavras.
À Prague en 2018, des ouvriers découvrent, dans un entrepôt abandonné, des bobines de film qui y avaient été dissimulées depuis la chute du mur de Berlin : les images glaçantes d’effroi du procès Slansky, tournées à l’époque à des fins de propagande. En 1952, en pleine guerre froide et au sommet d’une terreur stalinienne imprégnée d’antisémitisme, quatorze hauts dirigeants du régime communiste, juifs pour la plupart, déclarés "traîtres trotskistes-titistes-sionistes", sont accusés de conspiration contre l’État. Parmi eux, Rudolf Slansky, ex-secrétaire général du Parti et ami du président Klement Gottwald, qui précipitera sa chute ; Artur London, ancien brigadiste international et membre de la Résistance française rescapé des camps ; et le brillant économiste Rudolf Margolius. Par la torture et les menaces, lors d’un macabre simulacre de justice méthodiquement mis en scène, ces hommes sont contraints à faire l'aveu public de leur culpabilité, récitant par cœur des crimes imaginaires et appelant à une sentence. À quoi pensent-ils lors de cette descente aux enfers qu’ils cautionnent officiellement ? Onze d'entre eux seront condamnés à mort et pendus.
Mensonge devenu loi
À partir de ces archives exceptionnelles récemment restaurées et d'une plongée dans celles de l’omniprésente police secrète, mais aussi au travers de leur correspondance, Ruth Zylberman retrace la trajectoire complexe de ces trois hommes, et recueille le témoignage poignant de leurs familles brisées. À l’heure de la dictature du prolétariat dans des démocraties populaires satellites du grand frère soviétique, ces communistes, aveuglés par leur dévotion à un Parti "qui ne se trompe jamais", ont été détruits par le monstre qu’ils ont contribué à créer. Dans un monde ravagé par l’indistinction délétère entre vérité et mensonge, celui-ci, devenu loi, parvient à subvertir, au-delà même du champ politique, les liens élémentaires de la société humaine. En reconstituant, avec une rigoureuse précision, ce procès, trame du livre L’aveu d’Artur London adapté à l’écran par Costa-Gavras, Ruth Zylberman met au jour les mécanismes d’une dérive abyssale aux échos contemporains.