« J'ai parié qu'une femme, si elle n'était pas asservie dès la naissance et si on ne lui interdisait pas d'acquérir des compétences physiques et intellectuelles équivalentes à celle de n'importe quel homme, j'ai parié que cette femme deviendrait un être d'un genre nouveau. Ni inférieur ni gorgée de sa propre importance, un être réellement libre. Ce pari est ton seul destin. » Dans un futur proche, la contre-révolution conservatrice l'a emporté: la laïcité et le féminisme ne sont plus répertoriés dans les encyclopédies en ligne, les «délatrices» de #MeToo sont emprisonnées, les Femen sont les gibiers favoris du vieux Poutine, et le féminicide est dépénalisé. Le mariage et la prostitution sont les seules issues pour celles qui ont de l'ambition. Tokiko voit le jour dans ce monde. À l'achat, elle est le produit de consommation le plus cher du marché. Tokiko n'est pas une femme comme les autres, elle n'a pas de parents, seulement un créateur, Malenki Krum. Produites en séries, les sœurs de Tokiko assureront la fortune de financiers du projet Krum. Mais Malenki a conçu sa Tokiko comme un modèle unique, émancipé et libre. Liberté dont elle cherche le sens et qui se résume à une fuite permanente. C'est cette errance vers l'humanité qu'elle nous raconte. D'autres femmes l'accompagnent, de vraies femmes, esclaves ou dissidentes, mais aussi toutes les autres, celles qui vivent en elle dans ses mémoires de machine, et qui guident ses pas. Un regard implacable sur la domination masculine. Samuel Zaoui est enseignant en sciences sociales. Il a également publié, chez le même éditeur, Saint-Denis bout du monde.