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Cette performance théâtrale, qui tient de l'oratorio parlé et chanté, emprunte l'essentiel de sa matière à La Guerre des Juifs, où l'historien Flavius Josèphe retrace la destruction de la souveraineté juive par l'Empire romain au premier siècle de notre ère.
Sa carrière, qu’en jeune fou il a d’abord sabotée, s’est bonifiée avec les années. Un portrait savoureux de l’acteur et producteur Harvey Keitel.
"Quand j’avais 17 ans, j’étais un petit salaud, complètement fêlé", dira le personnage, autobiographique, qu’il interprète dans Smoke de Paul Auster et Wayne Wang. Longtemps, Harvey Keitel ne s’est pas senti à sa place. Issu d’une famille juive pauvre de Brooklyn, il est élevé par un grand-père strict qui lui inculque la religion et la pudeur. Tenaillé par le doute, le jeune Harvey préfère à la synagogue les attractions de Coney Island. Puis il apaise ses conflits intérieurs en allant au cinéma. Surnommé "le blasphémateur", il crache par bravade sur les mézouzas de son quartier. Mais à l’inverse, lorsque ce jeune homme à la dérive s’engage trois ans dans les marines, il exhibe l’étoile de David dans les pays arabes. L’occasion aussi pour lui de barder d’une solide musculature ce corps qui l’embarrasse. Miraculeusement, un cours de théâtre où il rencontre Lee Strasberg, le futur pape de l’Actors Studio, lui révèle sa vocation de comédien. Puis il croise Martin Scorsese, son double catholique grandi à Little Italy, avec lequel l’entente est immédiate. Le cinéaste prometteur en fait son alter ego, et le dirige dans Who’s that Knocking at my Door, puis dans Mean Streets, aux côtés de Robert De Niro. Le film triomphe mais, bizarrement, Harvey Keitel choisit de s’effacer derrière son confrère et ami, déclinant ainsi le premier rôle de Taxi Driver. Alors que le duo Scorsese/De Niro enchaîne les succès, ce perfectionniste agace les réalisateurs par ses questionnements incessants, et sa cote à Hollywood plonge.
Retour en grâce
Parsemé d’archives savoureuses, ce film explore la carrière en dents de scie d’un immense acteur miné par un sentiment d’illégitimité, qui s’est d’abord sabordé lui-même avant de trouver sa voie hors du cénacle hollywoodien. Si le film Bad Lieutenant d’Abel Ferrara, sorti en 1992, marque son retour en grâce, Harvey Keitel s’est aussi épanoui dans le cinéma d’auteur en tournant notamment La mort en direct de Bertrand Tavernier. Homme des premiers films, il a eu le flair de coproduire ceux de Paul Auster et de Quentin Tarantino. De nouveau estimé par les plus grands réalisateurs hollywoodiens, il s’offre une fin de carrière classieuse avec des rôles sur mesure. Aujourd’hui apaisé, il illumine ce portrait, nourri de plusieurs de ses interviews, par sa spontanéité, son ouverture d’esprit et l’humilité avec laquelle il a apprivoisé ses fêlures.
Face à la caméra de Mosco Levi Boucault (Corleone, le parrain des parrains), trois "repentis" de Cosa Nostra retracent, à visage couvert, leur parcours au sein de la mafia sicilienne. Des témoignages sans détour, stupéfiants d’horreur mais aussi d’humanité.
"Nous étions vraiment des bouchers. J’ai la chair de poule quand j’y repense", confesse un homme à contre-jour, le visage dissimulé pour protéger sa nouvelle identité. Comme Giovanni Brusca et Giuseppe Marchese, deux autres tueurs de Cosa Nostra, Paolo Francesco Anzelmo a trahi l’organisation : arrêté dans les années 1990, condamné à la perpétuité, il a choisi de collaborer avec la justice afin d’obtenir une réduction de peine. Introduit dans Cosa Nostra par ses oncles ("Je voyais qu’ils étaient respectés, que les portes s’ouvraient partout où ils allaient"), malgré les efforts de sa mère pour le soustraire à leur emprise, Anzelmo a connu une trajectoire similaire à celle de ses anciens complices, issus de lignées de mafieux : un premier homicide suivi d’une cérémonie d’intronisation, puis une vie "sans luxe et sans chichis", partagée entre un travail licite de façade et le quotidien impitoyable de l’organisation, qui "passe avant la famille de sang". Sur ordre de Totò Riina ("Dieu sur Terre à Palerme"), les trois "hommes d’honneur" ont commis (ou commandité) les pires exactions, éliminant tous ceux qui se dressaient devant eux, représentants de l’État, incorruptibles ou mafieux tombés en disgrâce (dont deux des oncles d’Anzelmo, qu’il a tués lui-même). Impliqué dans l’attentat contre le juge Falcone et l’assassinat, par strangulation, du petit Giuseppe Di Matteo, le fils d’un repenti, dont le corps a été dissous dans l’acide, Giovanni Brusca s’interroge encore : "J’ai fait tout ce pandémonium pour qui ? Pourquoi ? Aujourd’hui, je n’en sais rien."
Réalité crue
Après les avoir rencontrés pour Corleone, le parrain des parrains, qui retraçait le règne et la chute de Totò Riina, Mosco Levi Boucault (Ils étaient les Brigades rouges) s’intéresse aux parcours de trois "repentis" pour tenter de saisir la réalité ordinaire, démythifiée, d’une vie de mafieux. Du rite d’initiation au reniement de leur serment en passant par la litanie de crimes dont ils se sont rendus coupables – et délestés dans les confessionnaux des églises –, Paolo Francesco Anzelmo, Giovanni Brusca et Giuseppe Marchese témoignent à la fois sobrement et sans filtre de leur quotidien au sein de l’organisation, dont ils détaillent les rouages. Sidérants d’horreur, leurs récits – entre lesquels s’intercalent des vues nocturnes de Palerme et des images d’archives de cadavres dont ils ont jonché la ville – dégagent pourtant une troublante humanité, ces hommes apparaissant autant comme des bourreaux sanguinaires que comme des victimes embrigadées dans une redoutable organisation criminelle.