Il s'agit d'un très beau conte, écrit en 1813, qui peut recevoir au moins deux lectures.
D'abord, c'est une histoire fantastique pleine de rebondissements, bien écrite, au style vif, qui mélange intimement le réel (la Dresde du 19ème siècle) et la fable, dans l'esprit romantique un peu échevelé allemand. Novalis n'est pas loin?
Mais c'est aussi le récit d'une quête initiatique de la "connaissance", de l'"Un", à travers une alternance d'épreuves bien réelles et de plongée dans le surréel et l'onirisme. Ce mélange permanent réel / surréel est magnifiquement conduit et ne se prend jamais trop au sérieux, en contraste avec le modèle avoué, La Flûte Enchantée de Mozart. Quelques indices :
- Le héros (Anselme), gaffeur dégoûté d'une vie terrestre pleine d'échecs, en dépit de ses qualités profondes, aspire à la Connaissance (l'extase mystique) qu'il a un jour entrevue.
- Un gourou (l'archiviste) va alors lui montrer les épreuves à surmonter (copie de grimoires insensés) et le guider.
- Il lui montrera que le monde réel est comme un enfermement dans une fiole de cristal. Certains s'en contentent?Lui non.
- Il l'aidera à comprendre la grande unité du "tout". La voie qu'il lui fera prendre, classique dans la philosophie orientale et peu ou prou dans toutes les mystiques, est celle de l'union des contraires - complémentaires, ici l'homme et la femme. Sa fille, le petit serpent vert, sera le pôle féminin dont Anselme tombe amoureux, prélude à l'union charnelle et mystique.
- La scène finale de la 12ème veille n'est rien autre qu'un accouplement mystique, dans la ligne du bouddhisme tantrique ou du Cantique des Cantiques : "O mon bien aimé ! Le Lis a ouvert son calice?, le but suprême est atteint ; y a-t-il une félicité qui s'égale à la nôtre ? ?". Rideau !
Un livre plein de charme, un peu désuet, mais qui donne deux heures de belle lecture.