Les femmes et la photographie : deux univers contrariés et maintenus en marge de l'empirée artistique du XIXe siècle ! Cet ouvrage raconte comment ces deux univers ont fait alliance, dans une symbiose incroyablement fertile.
Les femmes ont alors fait preuve d'une capacité à affronter instinctivement, dans des conditions historiques données, certains refoulements culturels et sociaux caractéristiques du monde occidentalisé. A commencer par ceux du corps et du geste. Ainsi, à la même période où débutait le lent processus d'acceptation du corporel dans la sphère culturelle occidentale, de façon curieusement analogue, les femmes artistes s'en faisaient courageusement les interprètes – bien qu'au prix de nombreuses difficultés – car elles-mêmes avaient subi depuis des siècles le même phénomène de « relégation » des activités intellectuelles et artistiques. Cette poétique commune de récupération de la corporéité et de l'action, que certaines artistes parvinrent à interpréter de façon originale, anticipait le climat de recherche de la performance et de l'identité des années 1970.
Douze artistes différentes, étudiées dans cet ouvrage, témoignent de cet engagement et de cette réalisation par la photographie : Alice Austen, Gertrude Arndt, Virginia Oldoïni (Comtesse de Castiglione), Hannah Cullwick, Anne Brigman, Claude Cahun, Julia Margaret Cameron, Clementina Hawarden, Hannah Höch, Tina Modotti, Leni Riefenstahl et Madame Yevonde. Certaines ont été des artistes d'une façon assez ab-norme, et l'étiquette leur est appliquée de façon très élastique. D'autres, en revanche, ont pratiqué simultanément d'autres moyens d'expression. Mais, pour toutes, la photographie a été une occasion d'exhibitionnisme narcissique, de voyeurisme fétichiste, de travestissement identitaire, de recherche et de témoignage de leur propre identité sexuelle, de fragmentation et de reconstruction imaginaire du réel, de praxis et d'exaltation de la politique et de l'idéologie.
En d'autres termes, la photographie a été vécue par elles comme possibilité de récits du corps et de l'action. Les raisons de cette relation dangereuse (femmes-photographie-corps-action) sont celles d'une véritable affinité élective, au point que la photographie, pour de nombreuses femmes, en Amérique singulièrement, a représenté dès la fin du XIXe siècle le territoire de leur émancipation sociale et économique.