Quand on est convaincu que la mort peut débouler sans prévenir, on ne passe pas son temps devant la télé. Se laver ou se brosser les dents ne semblent guère d'une importance capitale. Même ce qu'on aimait avant - lire, dessiner, rêvasser - n'est plus vraiment une priorité.
Quand on est convaincu que la mort arrive, on est tout le temps sur le qui-vive. Dès qu'on entre dans une pièce, on allume toutes les lumières, même au beau milieu de l'après-midi, en plein mois d'août. On devient habile ; on monte sans peine les marches à reculons. On n'oublie jamais - pas un instant, pas une fraction de seconde -que le pire pourrait se trouver à deux pas.
On n'a que deux idées en tête : passer le plus de temps possible avec ceux que l'on aime. Et se cacher.
Heureusement, Olive Dunwoody, pour qui l'été s'achevait dans cette situation peu confortable, avait trouvé le moyen idéal de concilier les deux.
Chaque matin, alors que ses parents vaquaient à leurs occupations, Olive chaussait la vieille paire de lunettes qui pendait à son cou, au bout d'un ruban. Puis elle quittait sa chambre et, dans le couloir, regardait s'animer les tableaux qui ornaient la vieille maison de Linden Street. L'herbe peinte flottait au gré d'une brise invisible. Les personnages bougeaient, clignaient des yeux, la dévisageaient depuis les toiles.
Empoignant le cadre devant sa porte, Olive se glissait dans la surface oscillante, pareille à de la gelée. Elle tombait avec un petit bruit sourd dans le champ embrumé et remontait la colline peinte en courant pour retrouver son ami Morton.
Morton avait neuf ans. Et ce, depuis plus longtemps qu'Olive avait onze ans. En fait, il avait déjà neuf ans bien avant la naissance d'Olive.
Bien des années plus tôt (ceux qui étaient nés à cette époque étaient désormais vieux), la famille de Morton habitait à côté, dans Linden Street. Les voisins n'avaient pas manqué de le remarquer : la vieille maison de pierre avait quelque chose de louche. Tout comme la famille qui y vivait, les McMartin. Et Morton finit par en savoir trop.