La crise est omniprésente. Pourtant, ses conséquences idéologiques sont largement ignorées. Depuis près de quarante ans, toutes sortes de mouvements idéologiques et politiques ont vu le jour, ayant en commun de penser, dans des dimensions variables, que l'Occident vit un « déclin » et qu'il est menacé dans son existence même. Une idéologie -L'occidentalisme- s'est ainsi peu à peu imposée comme l'idéologie de la crise. De la crise de la social-démocratie à l'émergence du néoconservatisme, de la flambée des nouvelles droites populistes à l'apparition de l'hédonisme sécuritaire, de l'évolution des mouvements gays ou féministes au détournement de la laïcité, cette idéologie est devenue culturellement hégémonique sans que l'on s'en rende compte. Parsemée de contradictions, se nourrissant des paniques morales des populations de l'Occident face à l'immigration et voyant dans l'islam un danger imminent pour le mode de vie des pays d'Europe notamment, l'idéologie de la crise ne cesse de déterminer nos débats de société et escamote les problèmes politiques et économiques. Dans cet univers du doute et de la peur, les gauches sont menacées de disparition. Elles assistent, impuissantes, au développement du spontanéisme droitier... Leur vieux fonds idéologique n'a plus guère de prise, elles sont au pied du mur, elles doivent se réinventer, en appliquant la leçon de Gramsci, car la guerre culturelle aura bien lieu. GAËL BRUSTIER est chercheur en science politique. Il a publié en 2011 aux éditions Mille et une nuits Voyage au bout de la droite : des paniques morales à la contestation droitière, avec Jean-Philippe Huelin.