Maus» : une bande dessinée de 300 pages, écrites en 13 ans. Art Spiegelman a réalisé avec ce roman graphique en 2 tomes un gigantesque travail autour de l'histoire de ses parents, rescapés d'Auschwitz. Il a bâti ce récit à partir d'interviews de son père et y retrace aussi la relation qu'il entretient avec lui, dans une mise en abyme étonnante. Filmé dans son atelier, Art Spiegelman revient sur l'immense succès auquel il a été confronté, et les demandes incessantes de «refaire du Maus» qui ont suivi. Il a trouvé un dérivatif à l'engagement dans un nouveau projet de BD (qu'il voyait «comme signer pour une longue maladie») avec la réalisation de dessins pour le New Yorker, activité qu'il a exercée pendant une dizaine d'années. C'est le «11 septembre», dont il a été témoin, habitant à Manhattan, qui a déclenché son envie d'écrire à nouveau une BD, «A l'ombre des tours mortes». De façon très éclairante, Art Spiegelman commente les raisons de son style autobiographique : «Je ne peux pas comprendre le monde sans comprendre mon propre parcours. Je décris l'observateur et l'objet». Le film détaille aussi l'extraordinaire composition des planches. Art Spiegelman montre son travail sur ordinateur, grâce auquel il dispose les différents dessins inclus dans la page ; on découvre une grande recherche graphique effectuée en combinant dessin traditionnel et apport de l'ordinateur. Enfin, Art Spiegelman nous livre son regard de connaisseur sur l'évolution du statut de la BD aux Etats-Unis, autrefois vue comme une concurrence faite à la lecture des «vrais livres» et aujourd'hui comme une passerelle vers la littérature. Le film, qui s'appuie aussi sur des séquences extraites des deux œuvres, réussit à nous introduire efficacement dans l'univers de ce père de la nouvelle bande dessinée américaine.