La courte vie de Lin Zhao (1931 ou 1932-1968) pourrait s'écrire en lettres rouges : rouge pour cette Chine maoïste dont elle accompagna la naissance ; rouge du communisme qu'elle rejoignit alors et dont elle rêva qu'il transforme son pays ; rouge, enfin, comme ce sang, le sien, avec lequel elle dut parfois écrire textes et poèmes du fond de la prison de Shanghai où elle fut détenue de 1960 à sa mort, en 1968.Son histoire s'inscrit dans celle de cette génération d'intellectuels qui crurent qu'une place leur serait faite dans la société nouvelle, convaincus qu'ils pourraient continuer à occuper leur fonction de conseiller ou critique du gouvernant. Il n'en fut rien. Et si la vie de Lin Zhao nous frappe par sa force tragique et d'exemplarité combien de Chinois ont disparu depuis l'avènement de la Chine communiste ? , elle acquiert désormais une dimension autre, la jeune femme au visage d'ange ayant été élevée au rang d'icône de la dissidence au tournant des années 2000.La découverte du documentaire sur Lin Zhao du réalisateur chinois Hu Jie allait bouleverser Anne Kerlan et l'entraîner dans une enquête de longue haleine. Un livre fort et poignant sur une héroïne ambiguë, sur fond d'un matériau inédit. Élève de l'ENS, agrégée de lettres classiques, docteur en études chinoises, Anne Kerlan est historienne de la Chine et du cinéma chinois (Hollywood à Shanghai. L'épopée des studios de la Lianhua, 1930-1948, PUR, 2015). Directrice de recherche au CNRS, elle dirige le Centre d'études sur la Chine moderne et contemporaine à l'UMR Chine Corée Japon (CNRS-EHESS).