En réponse aux troubles politiques et écologiques actuels, le fameux quintet malien BKO fait appel à l'esprit magique du djinn avec Djine bora (l'apparition du génie). Un troisième album explosif et mystique, incarné par une musique de résistance, fruit de leur expérimentation unique des musiques mandingues et de leur histoire hors du commun. Les trois lettres B.K.O. sont le code de l'aéroport de Bamako. C'est bien dans la capitale malienne que se déroulent, depuis 2012, les répétitions du groupe. L'année même où le Mali a proclamé l'état d'urgence, personne n'aurait pu imaginer que ces musiciens seraient à l'origine de trois albums et plus de 450 concerts dans 25 pays différents. BKO lutte, ne faillit pas, unifie et ne ressemble à personne. Dans cet album, le groupe délivre une musique abrasive où la tradition est teintée de rock, de polyphonies, de distorsions et de breaks stridents. Ils invoquent les spiritualités ancestrales en mariant pour la première fois au Mali, deux traditions diamétralement opposées. Une association électrique entre Djeli N'goni, la guitare du griot Mamoutou Diabaté, et du Donso N'goni, le luth à six cordes de Adama Coulibaly, membre de la confrérie secrète des chasseurs animistes bambara. Ces sonorités inimitables sont soutenues par une section rythmique représentée par les deux fondateurs de BKO, le percussionniste Ibrahima Sarr et Aymeric Krol avec sa batterie trafiquée de percussions (calebasse, dununs et cymbales). Mais surtout, cette exploration sonore hypnotique aux rythmiques viscérales et fiévreuses, ne pourrait exister sans la présence de leur charismatique chanteur Fassara Sacko. Sa voix rauque est habitée, elle s'embrase et ravive les chants pluri-séculaires ainsi que les revendications des bamakois (la mortalité infantile dans Sadiona, l'immigration dans Tounga, la pauvreté dan Koli). Bien qu'il ait perdu la vue au fil des tournées, son énergie et sa conviction n'a d'égale, peut-être que le djinn y est pour quelque chose, ou qu'il s'est incarné dans chacun des musiciens. Au gré des dix titres de Djine bora, BKO propulse les traditions au sein d'un univers puissant et hybride, à l'image de Bamako. Dans cette atmosphère ensorcelante se croisent le béton crépitant et les cérémonies rituelles. La formation sort un de ses albums les plus aboutis teintés de transe, de mélodies énigmatiques (la prière peulh de Ntiaro) et de messages fédérateurs (Maya, Bamako, Toumaro).