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Ce documentaire tissé d’archives, des souvenirs de Céleste Albaret, la célèbre gouvernante de l'écrivain, et de lectures d’extraits donne vie à l’éblouissant tableau d’une époque engloutie que constitue À la recherche du temps perdu.
"À mon avis, même dès sa jeunesse, il n’a voulu qu’écrire… Ses sorties de salons n’ont été qu’une espèce d’alimentation de son œuvre. Parce que depuis toujours il emmagasinait, et il n’a vécu que de ça." La voix qui raconte est celle de Céleste Albaret, gouvernante et confidente des huit dernières années de Marcel Proust, de 1914 à 1922 (quarante-neuf heures d’entretien avec elle, enregistrées en 1973, ont été retrouvées récemment dans les fonds de la Bibliothèque nationale de France). Armé de son sens de l’observation et de son acuité psychologique, l’auteur d’À la recherche du temps perdu, fils d’une héritière de la bourgeoisie juive et d’un père médecin, incarnation même du mérite républicain, s’est immergé dans les boudoirs de la Belle Époque comme dans les hôtels de passe homosexuels pour donner chair aux centaines de personnages qui peuplent son œuvre-monde. C’est par l’entremise du flamboyant comte de Montesquiou, dandy insolent immortalisé sous les traits épaissis du baron de Charlus, que le futur écrivain, à force de flatteries, a réussi à pénétrer les hautes sphères de la société. De la belle et influente comtesse Greffulhe, qui inspira la figure de la duchesse Oriane de Guermantes, au jeune et aimé Alfred Agostinelli, qui fut l’un des modèles du personnage d’Albertine, les êtres qui accompagnèrent la vie de Marcel Proust sont entrés, métamorphosés et mêlés à d’autres, dans le chef-d’œuvre éternel qu’il nous a légué, odyssée sur la mémoire, la hiérarchie sociale, l’amour et l’écriture, qui débute à la fin des années 1870 pour s’achever au lendemain de la Grande Guerre.
Monde ressuscité
Faisant dialoguer des photographies et films d’époque – dont, en leitmotiv, la sortie d’une messe de mariage où apparaît une silhouette qui pourrait être celle de Marcel Proust – avec la voix de Céleste Albaret et des lectures d’extraits savamment choisis, Thierry Thomas part, dans les pas de l’écrivain disparu il y a bientôt un siècle, le 18 novembre 1922, à la recherche de ce "temps perdu" qu’il a magistralement sauvé de l’oubli. Arpentant le quartier parisien de la Madeleine (l’auteur y écrivait dans sa chambre tapissée de liège du 102 boulevard Haussmann, reconstituée au musée Carnavalet), la promenade de Cabourg ou encore sa villégiature d’enfance dans les environs de Chartres, rebaptisée Illiers-Combray en son honneur, ce documentaire élégant nous plonge dans une époque révolue pour donner vie au monument de la littérature qui a fini par l’incarner tout entière dans nos imaginaires.
À partir d’archives, un vibrant (auto)portrait de Roland Barthes, décrypteur de signes passionné, écrivain et figure majeure du structuralisme en France.
"J’écris pour être aimé au fond, peut-être même parfois de tel ou tel, et en même temps, je sais que cela ne se produit jamais..." Explorateur des signes, visiteur curieux – et lumineux – des mythologies contemporaines, Roland Barthes (1915-1980) a marqué la scène intellectuelle des années 1960 et 1970, tout en se tenant en marge de ses mouvances politiques et de ses institutions. Aujourd’hui, son œuvre n’a rien perdu de sa vive acuité. Ce pourfendeur amusé des "fausses évidences", volontiers "infidèle en matière d’idées", a sondé, à travers le théâtre du langage, "c’est-à-dire nous-mêmes", un imaginaire collectif de la modernité, de la DS 19 à l’iconographie de l’abbé Pierre en passant par la mode. L’empire des signes, Fragments d’un discours amoureux, La chambre claire... : chacun de ses livres faisait événement, invitant, avec une exigence toute d’élégance, à déchiffrer le monde pour mieux s’ouvrir à l’avenir.
Intelligence contagieuse
Au fil de cet autoportrait tissé à partir d’archives, Thierry Thomas et sa sœur Chantal, élève de Roland Barthes, qui a fréquenté ses fameux séminaires à l’École pratique des hautes études, plongent dans son œuvre pour restituer sa présence singulière. Le charme opère, d’un bout à l’autre du film, à travers son intelligence précise et contagieuse, son érudition vivante, la fluidité de son langage, justement, son regard et son timbre de voix, d’une envoûtante mélancolie. Au détour de la douce intensité du propos émergent de précieux éclats de vie, miroitant sous le voile de la pudeur. Comme cet inventaire savoureux de son "j’aime, je n’aime pas" ou cette séquence finale où, en quête d’une photo "juste" de sa mère disparue, l’une d’elles, la montrant petite fille, le bouleverse.
Le rire, ils le fabriquent, le distillent et s’en nourrissent. Mais qui sont-ils ? D’où vient leur talent ? Comment se développe-t-il ? Quelles sont leurs techniques et leurs recettes ? À la manière d’un roman à plusieurs voix, ce documentaire réjouissant nous dévoile toutes les ficelles du métier de comique à travers les témoignages de Gad Elmaleh, Eddie Izzard, Jérôme Deschamps, Margaret Cho, Jos Houben et Harald Schmidt.
Tous ces grands humoristes d’aujourd’hui ont accepté de se prêter au jeu de la confession devant la caméra de Thierry Thomas. Entre digressions sérieuses et inévitables facéties, extraits de shows et hommages à Charlot, ils racontent leur expérience intime et leur apprentissage du savoir-vivre par le rire. Rarement interrogés sur leur art, tant ils sont confondus avec leur masque, ces comédiens et comédiennes expliquent ici comment ils occupent l’espace d’une scène, rebondissent d’un sujet à l’autre, recyclent un gag raté, dansent et s’épuisent avec toujours un même objectif : faire rire. Alors que Gad Elmaleh se rappelle la première fois où il est monté sur scène, l’actrice californienne Margaret Cho joue la provoc en dévoilant sa vie privée et Eddie Izzard en rajoute une louche dans le travestissement des sentiments. Quant au Belge Jos Houben, son don de la formule traduit l’essence même du métier : "Le rire, c’est le déséquilibre".
Alors que Narendra Modi renforce son pouvoir sur le pays, cette enquête recense les exactions commises et explore les fondements idéologiques d’une dérive autoritaire qui met "la plus grande démocratie au monde" en danger.
Sur le territoire indien, la progression de l’hindutva est irrésistible. Selon cette idéologie ethnoreligieuse, l’Inde serait la propriété des hindous, reléguant dès lors les autres croyants en ennemis de l’intérieur. Théorisée en 1923 par le dirigeant politique Veer Savarkar, elle constitue le texte programmatique du RSS, une force paramilitaire violente. Interdit pendant deux ans en 1948, après l’assassinat du Mahatma Gandhi par l’un de ses sympathisants, il se donne un visage politique dans les années 1980 par l’intermédiaire d’un parti politique, le BJP. Grâce à une stratégie d’entrisme au sein des diverses institutions du pays et à l’émergence d’une classe moyenne réceptive à son message, ses idées s’infiltrent massivement dans la population à partir des années 1990. Cela se traduit bientôt par une augmentation de la violence envers les minorités religieuses (musulmans, chrétiens, sikhs et bouddhistes) : en 2002, trois jours de massacres contre les musulmans de la province d’Haryana causent entre 1 000 et 2 000 morts. Érigée en système d’État après l’élection de Narendra Modi au poste de Premier ministre en 2014, l’hindutva étend désormais son influence à l’extérieur des frontières indiennes…
Mouvement tentaculaire
En septembre 2023, devant son Parlement, Justin Trudeau accuse l’Inde d’être liée à l’assassinat sur le sol canadien de Hardeep Singh Nijjar, opposant sikh au BJP. Aux États-Unis, un lobby formé au sein de la diaspora réécrit les manuels scolaires, menace des intellectuels et fait interdire des conférences, tandis qu’à Leicester, en Angleterre, les communautés musulmanes et hindoues, qui vivaient paisiblement côte à côte, s’affrontent désormais lors de violentes émeutes. Avec ses ramifications, son aile électorale, ses fédérations nationales étudiantes, ses syndicats et son pan culturel et religieux, ce mouvement nationaliste hindou tentaculaire prolifère partout dans le monde. Dans cette enquête fouillée et trépidante, Hugo Van Offel décrit les rouages du "système Modi". S’appuyant sur des interventions des victimes de l’hindutva comme de ses partisans, il documente, des lynchages aux pogroms en passant par les lois discriminantes, le glissement autoritaire et nationaliste de "la plus grande démocratie du monde", jusqu’à interroger la place de Modi en tant qu’allié des pays occidentaux.
Vieux crooner autrichien et gigolo occasionnel, Richie Bravo survit en poussant la chansonnette pour des retraités dans des hôtels miteux de Rimini, sur la côte Adriatique. Son monde commence à vaciller quand Tessa, sa fille désormais adulte, fait irruption dans sa vie et lui demande l’argent qu’il ne lui a jamais donné.
La prodigieuse genèse d’un monument de la littérature mondiale, trop souvent réduit à son succès populaire, raconte aussi la conversion tourmentée de son auteur, Victor Hugo, à l’idéal de progrès social.
"Partout où l’homme désespère, le livre Les misérables frappe à la porte et dit : 'Ouvrez-moi, je viens pour vous !'", écrivait Victor Hugo. Livre somme, roman d'un peuple, œuvre repère universelle, ce monument de la littérature de quelque 1 500 pages, incontournable dans les programmes scolaires, autant adapté sur scène qu’au cinéma, retrace l’épopée rédemptrice du forçat Jean Valjean, devenu porte-voix de tous les damnés de la terre. Vouée aux gémonies à sa parution en 1862 − "un livre immonde et inepte !", tranchera Baudelaire –, fustigée pour son sentimentalisme, l’œuvre, qui menace l’ordre établi, affole les puissants et donne de l’espoir aux opprimés, en exaltant les barricades : "Parfois, insurrection, c’est résurrection !" Mais sa genèse au long cours (plus de quinze ans de chantier) recouvre aussi la conversion, douloureuse et totale, du conservateur Victor Hugo, pair de France assis sur une gloire précoce, aux idéaux de progrès social. Car l’écrivain député, qui consignait déjà dans Choses vues des scènes de la misère ordinaire, de la maltraitance des femmes et des enfants à la pauvreté des classes laborieuses, doit bientôt s’exiler dans les îles anglo-normandes à la suite du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. Une période de purgatoire où, entre contemplation, peinture et séances de spiritisme, Hugo l’humaniste doute avant d’exhumer, en 1859, son manuscrit inachevé du fond d’une malle pour l’emmener, dans un souffle puissant, jusqu’aux sommets.
Lutter pour grandir
Aux côtés de Jean Valjean, Gavroche et Cosette, ses héros devenus planétaires, ce documentaire retrace dans le même mouvement l’accouchement d’un roman hors norme et la métamorphose politique de son auteur. Ambitionnant d’embrasser le genre humain, Victor Hugo veut d’abord rendre son livre manifeste accessible à tous – quitte à recourir aux accents mélodramatiques –, dans l’espoir que le peuple toujours s’en saisisse pour lutter contre l’injustice et grandir. Jamais démenti, le succès phénoménal de son entreprise littéraire dépassera ses rêves. Formidablement documentée et éclairée par des spécialistes, des écrivains, dont l’académicienne Danièle Sallenave, ou encore par Claude Lelouch, qui a adapté Les misérables, une plongée vertigineuse dans un roman-fleuve qui n’en finit pas d’irriguer le grondement de la révolte, jusqu’au film du même nom réalisé en 2019 par Ladj Ly, et lui aussi plébiscité.