Tiraillée entre deux mondes que sépare le Tibre, Laura a bien du mal à s'affranchir des puissantes figures féminines qui ont marqué sa prime jeunesse : rebelle de pacotille dans le bouillonnement politique et culturel des années 1970, elle est insensiblement ramenée à sa double lignée, aristocratique et juive. Sur la rive droite, dans le quartier huppé de Prati, la contessa veille à tenir son rang et à sauver les apparences, malgré les revers de fortune chez les De Pretis : avare d'effusions, elle fascine sa petite-fille par ses récits de la tradition familiale. Elle n'a pourtant pas hésité à se séparer de l'impressionnante bibliothèque accumulée au fil des siècles, pour continuer de recevoir tout ce que Rome compte d'hôtes d'importance. Et quand sa fille Elena, la future mère de Laura, à qui elle désespérait de trouver un bon parti, lui présente enfin Giuseppe, peu lui importe qu'il soit juif, l'essentiel étant qu'il ne soit pas dans la gêne et que l'union soit bénie par l'Église. Son mariage conduit Elena à s'éloigner de son envahissante comtesse de mère et à s'installer rive gauche, dans l'immeuble de la Via Giulia où règne zia Rachele : la plantureuse vieille dame, dont les poches débordent de dragées qu'elle distribue avec générosité, initie Elena, et plus tard Laura, à l'histoire de sa famille non pratiquante qui s'enorgueillit de lointaines racines romaines. Les lois raciales et la guerre l'ont durablement marquée, elle qui, avec sa fratrie, a été miraculeusement sauvée de la déportation grâce à un réseau de résistants. Maître dans l'art de tresser ces fortes destinées, Louis-Philippe Dalembert emporte le lecteur par l'intelligence, la finesse et l'humour avec lesquels il évoque ce double héritage. Le personnage principal de son allègre roman n'en reste pas moins la ville de Rome, dont l'écrivain dessine un éblouissant portrait – nourri par sa connaissance intime de l'histoire, des charmes et des secrets de la Ville éternelle.