Trois ans avant la fin du XVIIe siècle, le très sérieux écrivain Charles Perrault, alors âgé de soixante-neuf ans et adversaire de La Fontaine, Nicolas Boileau, La Bruyère dans la querelle des Anciens et des Modernes, fait paraître la première édition du recueil sous le nom de son troisième fils, Pierre Darmancour[2]. Elle comprend huit contes en prose, auxquels il faut ajouter une nouvelle et deux contes en vers parus antérieurement.
Les Contes de ma mère l'Oye paraissent à une époque où, de façon éphémère, le genre des contes de fées est en vogue chez les adultes des milieux bourgeois et aristocratiques[3]. Mais paradoxalement, aucune ?uvre de ce genre n'existe pour les enfants. Seuls un fonds de récits est colporté oralement par les nourrices et les bonnes d'enfants venues de la campagne pour travailler dans les villes[4].
L'auteur n'« invente » donc pas à proprement parler les contes qu'il écrit, mais s'inspire de ces contes populaires et peut-être aussi du recueil de l'italien Giambattista Basile : il en sélectionne une infime partie et les transforme largement. Ma mère l'Oye est, quant à elle, un personnage fictif populaire, incarnant une campagnarde de qui viendraient ces contes[5]. Perrault serait ainsi l'un des premiers collecteurs mais comme il ne cite pas ses sources, on ne peut le considérer comme tel. Il est aussi un des premiers, sinon le premier, à édulcorer les contes populaires, dont les versions d'origines sont bien plus crues.