N'allez pas croire qu'Oiseau rare est un album 'avec cordes', de ceux où l'on entend un jazzman se lover un peu trop douillettement dans l'ecrin soyeux concocte par quelque arrangeur d'inspiration hollywoodienne. Disons plutôt qu'Oiseau rare est un album faisant intervenir un violon, un alto et un violoncelle, ce qui est tout a fait different. Un trio a cordes, me direz-vous alors ? Si l'on veut, mais surtout trois voix a part entiere, pleinement integrees a l'ensemble qu'elles forment aux côtes de la trompette, du piano et de la contrebasse. En composant ce repertoire, Yoann Loustalot ne semble pas s'etre laisse intimider par le prestige ecrasant de la tradition classique associee a ces instruments : novice dans l'ecriture 'pour cordes', le trompettiste a su faire de cette faiblesse une force, trouvant dans cet exercice inhabituel et sans doute legerement inconfortable l'occasion d'une mise en danger, et par la meme le chemin vers une expression d'une absolue sincerite. Seul a sa table, aux premieres heures du matin, il s'est laisse traverser par l'inspiration de l'instant, dans un processus parfois proche de l'ecriture automatique, revelant des strates musicales intimes et peut-etre parfois inconscientes : la douceur d'une ballade jazz et la rage d'un tango, des echos d'impressionnisme et de minimalisme, des melodies au parfum de Nino Rota... Une seule regle: le refus de toute digression. Qu'elle se deploie en un long plan sequence ou a la maniere d'une fugace miniature, la musique ne dit rien que d'essentiel, refusant toute broderie decorative, tout embellissement superflu, mais aussi toute forme de pudeur. C'est que l'emotion n'est jamais mise a distance ici, pas plus qu'elle n'est mise en scene ou surjouee : elle est la, tout simplement. Soyez a son ecoute !