À la galerie Courtauld, à Londres, est accroché le portrait de Suzon, serveuse peinte par Manet en 1882 et dont le regard laisse deviner une profonde mélancolie. Eve, 26 ans, serveuse dans un restaurant, a rendez-vous avec elle tous les mercredis. Le jour où elle rend son tablier après s'être fait caresser la cuisse par un client, c'est à nouveau vers elle qu'elle se tourne, retardant le moment de rentrer dans l'appart un peu crade qu'elle partage avec un couple. Le moment de repenser à son père et à sa canette de bière, à sa mère qui les a abandonnés. De refouler à coups de gin-tonic les souvenirs de Grace, son amie et âme soeur, du temps de leurs études à Oxford... Alors qu'elle sort de la galerie, une annonce attire son attention : recherche modèle vivant pour cours de dessin. Eve a un loyer à payer, elle se lance. Le job de baby-sitter que lui propose Annie, jeune mère célibataire qui assiste au cours, arrondira ses fins de mois. Max, son ami de longue date, lui trouve aussi du boulot dans le bar où il travaille, et lui fait de la place chez lui quand elle se fait virer de sa coloc. Les choses semblent s'améliorer, pourtant Eve continue de sombrer. Ce qui l'a menée sur un quai de gare à Oxford, tenant la main d'une fillette, le regard fixé sur les rails, les pieds à quelques centimètres du drame, c'est à sa psy qu'elle le confiera. Dans le chaos des pensées de cette narratrice à l'humour acéré, l'art, l'amour et l'amitié prennent peu à peu le dessus, conférant au premier roman de Chloë Ashby une note d'espoir et une profondeur inattendue.