C'est une ligne de béton tendue à dix mètres au-dessus de laBeauce, qui barre depuis toujours le paysage de son enfance.Elle devait servir de rampe à un véhicule révolutionnaire, un monorailpropulsé à 430 kilomètres à l'heure sur coussins d'air : l'aérotrain,invention futuriste née de l'imagination de l'ingénieur Jean Bertinet conçu pour relier, à très grande vitesse, les centres urbains de laFrance pompidolienne. Si le projet fou de Bertin a fait long feu, cetteruine du futur, elle, est restée debout, absurde, au milieu des champs.Enfant, puis adolescent, le narrateur a fait de ce môle abandonné undomaine, passant des heures, des jours entiers à scruter le paysagecomme s'il s'agissait d'un diorama, à observer la vie alentour et lesallées et venues en contrebas.Jamais il n'est descendu de ce perchoir. Cette existence suspendue s'estpoursuivie pendant trente ans, en parallèle à la vie réelle. Le paysagea changé, le rail aérien s'est effondré en plusieurs endroits mais le narrateur a continué d'habiter la jetée, songeant même à l'acquérir,et à en déclarer l'indépendance.Que faire de la hantise ? Comment vivre habité ? L'écriture peut-elleressaisir un lieu, et faire d'une retraite un monument ?