Lorsqu'il arrive dans l'histoire, un gros travail d'arrangement a déjà été effectué sur le répertoire, mais dès la première répétition le batteur trouve sa place, en apportant sa rigueur, son imagination et sa science du timbre.'Dans ce type de configuration où le moindre impact de baguette sur une cymbale, la moindre intonation de caisse claire prennent soudain une importance déterminante dans l'équilibre du discours collectif, être comme lui, à la fois et solide et précis, s'est avéré un atout précieux dans l'élaboration d'un son de groupe.'Très vite à l'idée de reprendre une poignée de standards entrés dans l'imaginaire collectif bien au-delà du cercle des amateurs de jazz ('Round about midnight', 'What is this thing called love ?', 'Besame mucho'), et de ressusciter quelques perles enfouies dans le riche catalogue de thèmes du contrebassiste ('Fertile danse'créé en 1998 sur l'album'Mosaïc man'et'Islaz', titre éponyme d'un mythique enregistrement du Transatlantic Quartet paru dix ans plus tôt...), les trois hommes décidèrent d'ajouter chacun une composition nouvelle de leur cru. Si'Take your time'de Sébastien Texier, 'Forest forgive them'de Gautier Garrigue et'Bacri's mood'd'Henri Texier s'intègrent de façon si naturelle au programme c'est qu'au-delà de leurs évidentes qualités mélodiques intrinsèques, la façon directe et sans esbroufe avec laquelle le trio les aborde au même titre que les autres, en plongeant résolument au coeur du chant, donne à l'ensemble une incontestable unité esthétique.'Cet enregistrement j'ai voulu le placer sous le signe de deux valeurs que je trouve de plus en plus essentielles dans quelque forme d'art : la précision et la simplicité ! Ça se révèle de façon évidente, selon moi, dans la manière frontale que l'on a choisi de jouer les mélodies ! On n'a jamais cherché à faire les malins en fioritures, arabesques et commentaires, on est chaque fois demeuré fidèle à la lettre, en restant au plus près du chant et de la poésie de la composition. Quand une mélodie est belle, il faut la respecter, c'est le meilleur moyen d'aller toucher l'émotion qu'elle recèle. Mais c'est une vraie prise de risque ce choix de la simplicité. Un incroyable défi !'Ce défi, s'il est relevé de façon admirable tout du long de manière puissamment collective, repose néanmoins en grande partie sur les épaules de Sébastien Texier, dont on n'a peut-être jamais entendu mieux que dans ce disque la beauté toute en nuances du timbre flûté de son saxophone alto ainsi que sa façon très contrôlée de conjuguer rigueur formelle, intensité expressive et imagination lyrique dans le feu de l'improvisation.'C'est un disque dont j'assume l'entière responsabilité en tant que leader, mais qui a été conçu en collaboration étroite avec les deux autres membres du trio et qui repose sur un véritable discours commun. C'est collectivement que pour aller au bout de cette ode à la mélodie, on a placé Sébastien dans la position du chanteur, en mettant en avant son lyrisme. Tout du long, il se retrouve en situation de porter seul la mélodie et de la développer dans ses improvisations et la façon dont il prend sa responsabilité en choisissant de ne jouer que du saxophone alto pour la première fois dans un disque et en assumant une totale liberté d'expression me touche beaucoup !'Et de fait, constamment inventif, engagé corps et âme dans le vif de la mélodie avec un phrasé aérien évoquant souvent par sa fluidité, son sens de l'espace et son élégance discrète le fantôme des grands stylistes du jazz west coast, Sébastien Texier non seulement donne à l'ensemble sa couleur générale et son intensité émotionnelle tout à fait particulière mais affiche dans ces plages une autorité et une sérénité nouvelles qui le placent sans conteste au rang des meilleurs saxophonistes européens. A l'arrivée, captée sans public dans les conditions du live sur la scène du Triton, cette musique qui, sur le papier, aurait pu passer pour austère dans sa nudité ascétique, nostalgique et auto-référencée dans son choix de revisiter un répertoire pour partie de standards et de compositions anciennes se révèle dans l'esprit et le geste toute en ouverture et vivacité - extraordinairement contemporaine et incarnée de se vivre totalement au présent.'Ce que l'on sent dans ce disque, c'est l'impulsion initiale : on n'avait pas d'argument à défendre ; pas de justification à donner ; pas de concept à incarner ; pas d'histoire extra-musicale à défendre ou à illustrer - on a juste fait de la musique dans un réflexe de survie, pour la beauté du geste !'. De la musique pure, de la musique nue, de la musique libre... Stéphane Ollivier.