Ah, si tous les programmes étaient aussi bien agencés que celui-ci ! Dans une tonalité générale qui aurait pu lasser par son uniformité (" stille Klagen "), éditeur et musiciens réalisent un petit miracle : impossible de s'échapper de cette heure de musique tant la progression des cantates entrecoupées de musique instrumentale est calculée avec précision. L'introduction de " O dulcis Jesu " de Buxtehude semble émaner de la sonate BuxWV254 avant que la voix n'entre dans un mode qui rappelle le haut Moyen-Âge, pour adopter ensuite la forme du madrigal italien ; l'attaque brusque du " Jesu, meine Freude " BWV1105 répond à la fin abrupte du " Herr, strafe mich nicht " pénitentiel d'un Telemann qui intensifie l'usage rhétorique des figuralismes ; enfin le " Mein Herze schwimmt in Blut " de Bach confine à l'opéra avec sa succession de récitatifs hyper-expressifs et d'arias da capo très développés. Seule la thérapie du choral met fin à l'affliction au profit d'une conclusion dansante, apaisée et confiante. Les qualités littéralement oratoires (diction, articulation, phrasé) du chant de Griet de Geyter donnent vie aux émotions même aux limites du silence, et il gardellino réussit un accompagnement d'une très grande finesse. L'orgue est au diapason, si l'on peut dire, et Jean-Daniel Noir signe une prise de son fouillée qui capture avec précision l'acoustique de l'église de Hilversum : le résultat est un remarquable moment de musique.