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Eldorado pour les agro-industries chimiques, le Brésil est complaisamment alimenté en pesticides par une Europe qui se débarrasse de ses produits interdits. Un cynisme aux conséquences désastreuses pour la santé, épinglé par une enquête accablante.
C’est un paradis à l’atmosphère viciée. Perverti par une législation poreuse à toutes les manipulations et une classe politique corrompue, le Brésil peut être considéré comme le champion mondial... des agrotoxiques. Avec 3 669 pesticides autorisés, le géant d’Amérique du Sud s’affirme comme l’eldorado des multinationales. Son président, Jair Bolsonaro, n’a-t-il pas assuré “Je suis votre employé” aux patrons de l’agroalimentaire, dès son investiture en 2019 ? Conséquence de cette impunité accordée aux industriels, la population est largement contaminée par des cocktails d’herbicides, pesticides ou fongicides, agissant sur la santé comme des bombes à retardement. Chez les enfants, malformations et problèmes de croissance se multiplient, alors que l’eau de consommation de la moitié des villes serait considérée comme non potable en Europe. Notre continent, justement, s'avère le grand bénéficiaire, cynique et sans scrupules, de cette dérégulation : près de 80 000 tonnes de pesticides désormais interdits sur notre sol sont vendues au Brésil chaque année par des groupes chimiques comme Bayer (qui a absorbé Monsanto en 2018) et BASF en Allemagne, ou Syngenta en Suisse. Ces firmes réalisent ainsi la moitié de leur chiffre d’affaires...
Ronde infernale
Ce documentaire accablant décrit les ressorts mondialisés d’une ronde aussi infernale que toxique : les pesticides exportés par les entreprises européennes font leur retour sur notre continent dans les oranges, melons, soja ou café brésiliens. Alors qu’au Brésil meurtres d’opposants, juges fourvoyés (certains eux-mêmes grands propriétaires), aveuglement des agriculteurs ou lobbyings surpuissants (même le roi Pelé a été recruté) causent des ravages, l’Europe ferme les yeux et déverse ses stocks d’invendus. Déjouant l’absurde et l’hypocrisie du système ultralibéral, cette enquête sidère par la litanie de scandales qu’elle fait émerger. Elle rend aussi un hommage appuyé à tous ceux qui se battent contre l’écrasement : chercheurs indépendants, lanceurs d’alerte, militants d’ONG, simples citoyens, qui, parfois au péril de leur vie, portent l’espoir d’un pays en grand danger sanitaire.