1946. L'après-guerre prend, dans les Pouilles, des allures de guerre civile. Alors que les propriétaires terriens s'arc-boutent sur leurs privilèges, les ouvriers agricoles réclament justice. Fusillades, lynchages, incendies sont monnaie courante. Quatre sœurs ignorent tout de ces événements. Elles vivent dans un beau palais, sans cependant profiter ni des biens de la famille, ni de la vie, qui pour elles ne peut être que discrète et parcimonieuse. Leurs journées s'écoulent insipides sur les broderies, l'argenterie à faire polir, le linge à ranger. A l'extérieur, leur univers se limite au chemin parcouru entre l'église et la demeure familiale. Du monde qui les entoure, elles ne savent rien. Elles ignorent la menace qui plane : la pénurie, la faim qui tenaille les paysans, la colère qui gronde et qui risque de se déverser sur elles. Jusqu'au jour fatal où la foule des affamés se rue sur le portail du palais. Parmi les quatre sœurs lynchées, Luisa et Carolina périront sans que personne ne comprenne comment la violence a pu entrer de façon aussi fracassante dans ces vies rangées. C'est à partir de ces faits réellement advenus que deux textes ont été écrits, l'un par la romancière Milena Agus, l'autre par la journaliste et militante Luciana Castellina : un roman et un récit des événements historiques. Avec son approche singulière, Milena Agus, se place à l'intérieur de la famille et se penche sur la vie des demoiselles Porro, victimes ignares d'une émeute qui les dépasse. Avec son talent d'analyste, Luciana Castellina observe le déroulé des faits et relate les jacqueries dans un monde paysan exaspéré par des années de misère et d'injustice. Cela donne un livre fort, où deux voix différentes se répondent sur un même événement, dans deux approches complémentaires.