Devançant l'appel, à seize ans à peine, il a rejoint de son plein gré la boue des tranchées. Il s'appelait Jaurès. Louis Jaurès. Voulait-il, par son geste, laver son nom des accusations d'antipatriotisme si souvent adressées à son père ? Voire sauver l'idée même du pacifisme, en la dissociant par son courage de l'idée de lâcheté ? Quelques mois avant l'armistice de 1918, Louis est mort en faisant face, seul, à une patrouille ennemie, pour couvrir la retraite de ses compagnons. Courageux, Louis Jaurès le fut. Seulement, qui s'en souvient ? Sans doute fallait-il qu'un romancier s'empare de ce paradoxe : le fils d'un des plus grands pacifistes de tous les temps volontaire pour aller se battre, et mort en héros ignoré de tous. Même un siècle plus tard, sans doute fallait-il, pour qu'il ne reste pas vain, tenter de comprendre le sens de son incroyable sacrifice. Jean-Emmanuel Ducoin, journaliste et écrivain, est notamment l'auteur de "Go Lance !" (roman, Fayard, prix Jules-Rimet 2013).