Quel visage pour le Quintette avec piano ? Maurizio Pollini et les Italiano, dans un enregistrement passé au rang de légende, poussaient l'oeuvre à des dimensions quasi philosophiques. Boris Giltburg, de son piano orchestre, et ses amis tchèques, rappellent avec une saisissante intensité, que ce grand Quintette ombrageux, tant aimé de Max Reger dont il s'inspira pour nombre de ses opus, est l'oeuvre d'un jeune trentenaire, et lui donnent le ton d'une vaste symphonie héroïque. Admirable d'intensité et de poésie, cette gravure rappelle l'ardeur qu'y mirent jadis George Solchany et le quatuor hongrois. J'attendais depuis eux que des interprètes aussi aventureux osent le lamento qui ouvre le fulgurant final dans une telle tension entre chien et loup, quasi mahlérienne : c'est chose faite. La plus grande version de cet opus si complexe ? Je le crois bien. Et il faut entendre comment tout cela est enregistré, les cordes, comme le piano, ce qui rend enfin justice au tout grand artiste qu'est Boris Giltburg (cherchez ses Sonates de Prokofiev, son cycle Beethoven). D'un Quintette l'autre, l'alto de Pavel Nikl se joint au Pavel Haas pour faire chanter la grande sérénade de plein air automnal qu'est le second Quintette à cordes, joyaux de la maturité viennoise de Brahms, transfiguré ici par l'ardeur et la fantaisie des cinq archets. Mais j'y pense, il nous faut l'autre Quintette, et les mêmes les Quatuors, avec et sans piano ! Espérons que ce disque n'est que l'orée d'un voyage Brahms de cet éclairant attelage. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé).