L'histoire de Minik est poignante. Au siècle dernier, notre monde, prétendument civilisé, révèle soudain "au nom de la science" son envers colonialiste, corrompu, destructeur.
En 1897, le jeune Minik accompagne son père et quatre Esquimaux Polaires du Groenland, qui ont accepté l'invitation de l'illustre explorateur américain Peary, sur le point de conquérir le "pôle" Nord. Quatre des invités de l'American Museum of Natural History, de New York, vont bientôt mourir de tuberculose foudroyante et l'orphelin Minik, âgé de huit ans, sera adopté par un administrateur du Muséum et élevé comme un petit Yankee. Son tuteur perdra son poste en raison de graves escroqueries, dans un contexte de malversations de grande ampleur.
Abandonné, Minik va connaître, avec son unique protecteur déchu, une vie misérable. Son tuteur lui apprendra la vertu du ressentiment. C'est alors que Minik découvrira, dans une vitrine du Muséum, le squelette étiqueté de son père dont il croyait pourtant avoir assisté aux funérailles. Cette découverte brutale, révélatrice d'un odieux simulacre d'enterrement, au Muséum même, en cet établissement illustre, devant tous les scientifiques, bouleversera le jeune garçon.
Sa haine pour l'establishment new-yorkais et surtout pour Peary, dont les titres de conquérant du Pôle font l'objet de vives polémiques, va s'amplifier et il n'hésitera pas à alerter la presse. Minik sera renvoyé au Groenland par Peary lui-même, très inquiet. Mais faute de connaître la langue des siens, il s'y sentira aussi étranger qu'en Amérique. A 28 ans, de retour aux Etats-Unis, dans une famille de braves bûcherons du New Hampshire qui l'avaient pris en amitié, il mourra, solitaire, de la grippe espagnole.
Minik, l'Esquimau déraciné paraît en France au moment même où le président de la République décide la création, à Paris, d'un grand musée des Arts premiers et des Civilisations. L'opinion découvrira enfin la philosophie complexe de ces peuples primordiaux dont le concours est essentiel pour assurer la fragile harmonie de notre planète. Il sera enfin possible de repenser l'universel.