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Associé à la création "pure", l’art brut suscite aujourd’hui un fol engouement sur le marché de l’art. Comment, dès lors, préserver son authenticité ? À la rencontre d’artistes singuliers souvent vulnérables, une plongée dans des imaginaires foisonnants.
Primitif, infantile, obsessionnel, émouvant, troublant, angoissant, exaltant... Tout a été dit sur l'art brut. Mais qui sont les auteurs, marginaux et autodidactes, des œuvres désignées sous ce label, qui suscite aujourd’hui un fol engouement, des salles de ventes aux grands musées ? Ce concept a été inventé dans les années 1940 par Jean Dubuffet qui collectait, dans des asiles psychiatriques, des prisons ou des villages des œuvres dont les producteurs n’avaient nulle conscience d’être des artistes, et qui renouaient ainsi, selon lui, avec l’essence même de l’art : la pulsion créatrice sans filtre, aux antipodes de la culture académique. Emblématique, la Suissesse Aloïse Corbaz, qui peignait en série des couples fusionnels, ou Hassan, le clochard de Barcelone, auteur compulsif de fulgurants dessins sur des caisses de vin, s’intéressaient à leur seul processus de création. Comment, dès lors, protéger cet art de la disparition, sans le dénaturer ? À Francfort, l’atelier Goldstein s’emploie à maintenir ce délicat équilibre, en accueillant en résidence des artistes atteints d’un handicap ou d’un trouble cognitif, comme Julius Bockelt, dont les œuvres sur papier sont saturées des ondes et des vibrations qu’il perçoit, notamment dans la beauté éphémère des nuages.
Le prix de la liberté
Face à la loi du marché, cette "altérité", émanant d’une fragilité mentale ou sociale, va-t-elle se dissoudre ou résister, pour conserver son authenticité et sa radicale liberté ? Actuelle figure majeure du genre, l’Américain George Widener, atteint du syndrome d’Asperger et obsédé par les dates, a longtemps vécu dans la rue et se réjouit de sa reconnaissance. "J’espère qu’on voit en moi plus qu’un autiste surdoué du calendrier. J’aime être vu comme un artiste", insiste-t-il, fustigeant le prétendu romantisme de la pauvreté et des marges, auxquelles on voudrait l'assigner ainsi que ses pairs. Comme lui, Jill Galliéni, dont les "prières" s’arrachent, ou Marilena Pelosi, autrice de dessins intenses surgis de son inconscient, nous ouvrent leur univers intime en évoquant avec émotion leur différence. À leur rencontre, et aux côtés d’historiens, de collectionneurs et de marchands, Simon Backès plonge dans le prodigieux foisonnement de cette création "pure" et explore en profondeur l’évolution de sa place dans la société.