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Comique, cinéaste, producteur, philanthrope... : qui se cache derrière le masque élastique de l'as de la maladresse ? Retour sur une carrière à rebondissements.
C'est le visage des empotés, des pitres, des enfants, des souffre-douleurs, toujours au mauvais endroit au mauvais moment… Dès les années 1940, Jerry Lewis connaît un succès public fulgurant, notamment grâce à son duo avec Dean Martin. Mais son passage derrière la caméra, début 1960, brouille les pistes et braque les critiques sur sa légitimité à se proclamer "cinéaste", malgré la technicité et l'originalité extraordinaires dont il fait preuve dans sa mise en scène. Dès lors, Jerry Lewis entame un bras de fer avec les studios de Hollywood, pour lesquels il écrit, produit et réalise des œuvres singulières, comme Le tombeur de ces dames ou Dr. Jerry et Mister Love, connaissant la gloire et gagnant le respect en Europe, tout en étant simultanément rejeté par les critiques et le public américains.
Subversion par le geste
"Le plus pur comique, c'est celui qui se passe du verbe", commente Pierre Étaix, l'un des nombreux intervenants, en entretien ou en archives – aux côtés, entre autres, de Martin Scorsese et Jean-Luc Godard –, du documentaire de Gregory Monro. Digne successeur des grands maîtres (Buster Keaton, Charlie Chaplin, Stan Laurel…), Jerry Lewis a passé sa vie au service du divertissement. Mais s'il a fait de son corps l'arme polymorphe d'un burlesque qui s'embarrasse rarement de mots, c'est aussi pour mettre face à elle-même une Amérique oublieuse de ses plus faibles. Une des raisons, peut-être, du peu de succès rencontré dans son propre pays et du triomphe que lui a réservé l'Europe, notamment la France, où les cinéastes de la Nouvelle Vague ont salué en lui un pair, satiriste brillant, émouvant et hilarant, de son temps.
Comment le champion d’échecs Garry Kasparov s’est-il mué en farouche opposant à Vladimir Poutine ? De son ascension sur fond de guerre froide à son exil new-yorkais, ce captivant portrait déroule la trajectoire d’un génie turbulent, qui a bataillé tout au long de sa carrière pour défendre les libertés.
Regard de défi, attaques dévastatrices, rage de vaincre… Son style de jeu unique a fait de lui une légende des échecs, qu’il a dominés outrageusement de 1985 à 2000. Né en 1963 à Bakou, d’un père juif azéri, décédé lorsqu’il avait 7 ans, et d’une mère d’origine arménienne, qui sacrifiera sa carrière pour l’amener au sommet, Garry Weinstein forge son génie en observant ses parents s’affronter. À une époque où la guerre froide se joue aussi sur l’échiquier, le prodige – qui a russifié son nom afin d’échapper aux discriminations antisémites – voit pourtant son ascension entravée, le pouvoir soviétique ayant déjà son champion du monde : Anatoli Karpov, qui a lavé l’humiliation de la nation après le titre de l’Américain Bobby Fischer en 1972. En février 1985, Kasparov dénonce ainsi une décision politique lorsque le président de la Fédération internationale d’échecs interrompt le match l’opposant à son compatriote sans désigner de vainqueur. L’affrontement reprendra sept mois plus tard, dans une URSS désormais dirigée par Gorbatchev, dont les velléités réformatrices s’accordent avec l’image de trublion du challengeur. Après vingt-quatre parties, Kasparov devient, à 22 ans, le plus jeune champion du monde de l’histoire. En 1997, celui qui se pensait indétrônable cède pourtant face à l’ordinateur Deep Blue d’IBM, avant d’abandonner sa couronne trois ans plus tard à Vladimir Kramnik. Désormais, il luttera sur le terrain politique, faisant de Vladimir Poutine son adversaire principal…
Espionnage et coups bas
Émaillé d’extraits de ses plus grands matchs, ce documentaire réunit une foule d’archives rares et des interviews passionnantes (anciens entraîneur et manageur de Kasparov, grand maître, journalistes, ex-agent du KGB…) pour retracer le parcours de "l’ogre de Bakou", en exil forcé depuis une dizaine d’années. Plongeant dans l’univers trouble des 64 cases, sur fond de faux-semblants, d’espionnage et de basses intrigues, il ressuscite la rivalité mythique qui opposa le champion rebelle à Karpov, "Homo sovieticus" idéal, devenu député de la Douma. De son enfance caucasienne à son inscription récente sur la liste des "terroristes et extrémistes" établie par le Kremlin, ce portrait digne d’un polar met ainsi en lumière l’engagement politique de Kasparov, dont le destin raconte en creux celui de l’URSS.
À 90 ans, l’inoubliable interprète de Sueurs froides, qui n’a cessé de lutter pour échapper à son destin de star aux ordres, témoigne de son inaltérable liberté.
C’est par le génie maniaque de Hitchcock, qui a fait d’elle en 1958 l’héroïne de Sueurs froides, que Kim Novak, Marilyn de son vrai prénom, est entrée dans la légende du cinéma. Mais c’est presque par hasard que, cinq ans plus tôt, la timide gamine de 20 ans, arrivée à Hollywood à la faveur d’un boulot d’été pour financer ses études aux Beaux-Arts de Chicago, est repérée par le tyrannique patron de la Columbia, Harry Cohn, qui mise sur elle pour concurrencer l’autre Marilyn. Il lui suffit de quelques films, dont Picnic et L’homme au bras d’or, pour se hisser au sommet du box-office, tout en bataillant contre les diktats d’une industrie qui ne réserve alors à ses vedettes féminines qu’un seul rôle, celui de sex-symbol. Aussi se reconnaît-elle intimement dans la Judy de Sueurs froides, femme "fabriquée" par le désir d’un homme et sacrifiée à son obsession. Ce qui ne l’empêche pas, malgré son envie de décrocher le rôle, d’exiger publiquement une augmentation de son salaire, dix fois inférieur à celui de ses partenaires masculins.
Âge d’or ?
Quelques mois après la sortie du film, Kim Novak perdra en revanche le deuxième grand combat de sa jeune carrière. Parce qu’elle refuse de rompre avec l’acteur et chanteur noir Sammy Davis Junior, Harry Cohn fera menacer ce dernier de mort par un parrain mafieux pour mettre fin à leur liaison… Celle qui reste aujourd’hui l’une des dernières survivantes de l’âge d’or de Hollywood garde à 90 ans la vivacité frondeuse de sa jeunesse. Devenue peintre comme elle en rêvait avant d’être happée par le cinéma, elle révèle l’envers d’un rêve façonné par et pour les hommes au détriment des femmes, et témoigne de son amour têtu pour la liberté dans ce beau portrait émaillé d’archives.