Certaines thématiques de disques laissent dubitatif. Cet Age of Passion de l'ensemble Art d'Echo dirigé de la Viole par Julianne Laake, entend créer une passerelle entre la musique de John Dowland et celle de Carlos Gardel. Pour le musicologue Bernhard Schrammek, le dénominateur commun est l'expression exemplaire chez ces deux musiciens du sentiment de mélancolie, affect que l'on retrouve notamment à l'ère élisabéthaine (John Dowland compose en 1604 ses Lachrimae or seven tears) puis au début du siècle dans le Tango argentin (la figure tragique de Carlos Gardel) et dans l'invention du bandonéon qui succède ainsi à la viole en tant qu'instrument idiomatique. Interprétées ici par un consort de quatre violes et d'un luth, les six Pavanes du recueil de Dowland semblent scrutées à la loupe et jouées avec réserve, comme si les interprètes refusaient de s'épancher et retenaient leurs larmes. Côté Tango, quelques belles découvertes. La suave Tapera du compositeur et pianiste Osvaldo Donato (1908-1975) réconcilie Tango et Musette, Fall fron the spring de Reiko Füting (né en 1970) est une curieuse tentative au Bandonéon de recomposition de la Pavane élisabéthaine qui reste cette danse lente et solennelle brouillée ici par des effets de fuzz et d'écho. Du bandonéoniste Luis di Mattéo un très joli Por dentro de mi. Difficile aussi de rester insensible au Mi Buenos Aires querido de Carlos Gardel. Quant à l'Oblivion qui clôt l'album, Lothar Hensel, Julianne Laake et ses amis lui confère une douceur, une volupté et une sensualité uniques. (Jérôme Angouillant)