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Disparu en 2021, Melvin Van Peebles a révolutionné la représentation des Noirs à l’écran avec Sweet Sweetback’s Baadasssss Song. Sexe, guérilla et émancipation au menu de ce décapant documentaire.
Detroit, le 31 mars 1971. Une foule jeune et noire se presse devant le cinéma Grand Circus, une affluence inhabituelle pour un film indépendant classé X au titre bizarre, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song. Ébahi et ravi, le public découvre un héros noir en révolte contre une Amérique raciste. Employé dans une maison close du ghetto de Watts, à Los Angeles, Sweetback a pris la tangente parce qu’il a défendu un Black Panther et assommé les policiers qui l’agressaient. "Le thème du film c’est : vous avez saigné mon père et ma mère, mais vous ne m’aurez pas", résume posément Melvin Van Peebles. Le réalisateur n’en est pas à son coup d’essai. Après un exil fructueux en France, il est revenu aux États-Unis pour tourner Watermelon Man, comédie narquoise narrant les aventures d’un Blanc qui se réveille dans un corps noir et ne s’en trouve pas plus mal. Une fin progressiste intégrée au montage final au nez et à la barbe des studios.
Cinéma guérilla
Avec Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, le cinéaste pousse le curseur plus loin et porte le Black Power à l’écran. Du titre (issu de l’argot afro-américain) à la musique (un funk expérimental bidouillé par Melvin lui-même, avec l’aide de prometteurs débutants, les Earth, Wind and Fire) en passant par le décor (Watts, théâtre des émeutes antiracistes de 1965), tout inscrit le film dans l’avant-garde et, fait nouveau, le destine au public noir. Sous-représentés au cinéma, les Afro-Américains sont enfermés à l’époque dans des carcans stéréotypés pensés par et pour les Blancs (jeunes premiers clairs de peau, serviteurs dévoués…). Pour imposer ses vues, Melvin Van Peebles va détourner le système hollywoodien, pratiquant ce qu’il appelle le "cinéma guérilla". Pas d’argent ? Il emprunte à son ami Bill Cosby et aux caïds du ghetto, au risque d’y laisser sa peau. Pas de quoi recruter des techniciens syndiqués ? Il opte pour la classification X, moins contraignante, et fait le tour des plateaux porno pour repérer les meilleurs cadreurs. Des ennuis avec la censure ? Il fait de la mise à l’index de son film une arme politique.
Avec en main le journal de tournage au titre éponyme de Melvin Van Peebles, ses proches, notamment ses enfants et son petit-fils, en lisent des extraits et témoignent, replongeant dans l’épopée rocambolesque de ce film émancipateur qui remporta un succès phénoménal. Après avoir ouvert la voie à l’éphémère Blaxploitation, à travers une flopée de films à petit budget qui édulcorent son message politique, Sweet Sweetback… fera par la suite des émules plus combatifs (Spike Lee, John Singleton, Ava DuVernay…). Rempli d’archives qui immergent dans l’atmosphère libertaire et explosive des seventies, ce documentaire comporte aussi de nombreuses interviews de Melvin Van Peebles, où, flegmatique et direct, le cinéaste, disparu en 2021, raconte ses déboires, sa débrouille et assène quelques décapantes vérités.
Dans l'univers créatif de Wayne McGregor, chorégraphe britannique acclamé sur la scène internationale pour l'inventivité de sa danse.
"Libérer les corps est une chose qui me fascine." Qu'il travaille avec les danseurs de sa compagnie Random Dance, fondée en 1992, avec les danseurs étoiles du Royal Ballet de Londres dont il est chorégraphe résident depuis 2006, sur le tournage d'Harry Potter ou avec des lycéens d'une petite ville de l'est de l'Angleterre, Wayne McGregor, 41 ans, cultive une grande curiosité pour la manière dont chacun s'empare de ses idées, laquelle nourrit ensuite sa créativité.
Intrigué par les rouages mystérieux du processus de création, cet adepte de la fluidité s'implique également auprès de spécialistes en neuropsychologie qui tentent de décrypter le dialogue complexe qui se noue entre le corps et l'esprit des danseurs.Ce documentaire passionnant, mêlant séances de répétition, extraits de spectacles et témoignages du chorégraphe et de ses collaborateurs, saisit sur le vif le travail réalisé au quotidien par celui qui présentera sa nouvelle création mondiale, L'anatomie de la sensation, à l'Opéra-Bastille, du 29 juin au 15 juillet 2011.
Une succession d'images fixes prises dans le monde entier, commentées par un photographe amateur et ses amis en voix off, telle est la conversation retracée ici par Chris Marker, inspirée d'un poème de Guillaume Apollinaire. De Tokyo à La Havane, en passant par Pékin, Moscou, Stockholm, Rome et Paris, la réflexion du cinéaste sur la photographie d'art s'accompagne d'un travail de pensée éthique sur les notions de travail, de société, de responsabilité et de socialisme...
Entre 1910 et 1930, de l’Empire russe à Paris, le peintre juif Marc Chagall (1887-1985) voyage entre art populaire et art moderne, entraînant dans son sillage toute une génération. Un passionnant portrait.
"Mon art avait besoin de Paris comme un arbre a besoin d’eau." En 1910, Marc Chagall, comme nombre d’artistes aimantés par la frénésie créatrice de la capitale française, quitte l’Empire russe pour s’abreuver à la source des avant-gardes. Si le fauvisme – qui a libéré ses couleurs – et le cubisme infusent ses toiles, le jeune peintre, proche de Blaise Cendrars, façonne son propre univers, à la croisée des cultures juive, russe et française, depuis son atelier de la Ruche à Montparnasse. En 1914, de retour à Vitebsk, sa ville natale en Biélorussie, Marc Chagall retrouve sa bien-aimée, Bella Rosenfeld, qu’il épouse l’année suivante. Le peintre, issu d’une famille nombreuse, modeste et pieuse, immortalise alors le quotidien dans la "zone de résidence", où les Juifs de l’Empire sont parqués et persécutés. Mais tandis que ses comparses (Lazar Lissitzky, Solomon Ioudovine…), formés, comme lui, par "le peintre du shtetl" Iouri Pen, se mettent en quête d’un art populaire juif, avant de glisser vers la modernité, Marc Chagall, toujours attaché à son indépendance esthétique, se contente d’y puiser des motifs. Aux souffrances de la Première Guerre mondiale, qu’il fixe à l’encre de Chine, succède l’euphorie de la révolution de 1917, synonyme d’égalité des droits pour la communauté juive. Nommé commissaire aux Beaux-Arts de Vitebsk, le peintre fonde une école ouverte à tous les courants, dont le suprématisme de Malevitch, qui gagne la bataille de l’abstraction. Évincé de l’établissement en 1920, Chagall regagne Paris, où la joie des Années folles imprègne sa palette, à l’image de ses illustrations éclatantes des fables de La Fontaine, avant que la montée des nationalismes et de l’antisémitisme n’assombrisse son horizon.
Révolution
Ce passionnant portrait retrace le parcours du peintre entre 1910 et 1930, de Vitebsk, laboratoire de l’avant-garde russe, à Paris, où s’écrit une page majeure de l’histoire de l’art. Nourri de décryptages d’œuvres et d’éclairages de spécialistes (dont Meret Meyer, sa petite-fille), il raconte aussi l’émergence d’une génération d’artistes juifs russes, figures charnières entre l’Est et l’Ouest, la tradition et la modernité, le figuratif et l’abstraction.
Portrait d’une actrice tenace qui a déployé autant d’énergie pour se faire accepter telle qu’elle était par Hollywood que pour terrasser le tueur sanguinaire de Halloween.
Fille d’un couple d’acteurs mythiques, Janet Leigh et Tony Curtis, stars respectives de Psychose et Certains l’aiment chaud, Jamie Lee Curtis a bataillé pour s’extirper de l’ombre parentale. Elle a aussi fait des choix surprenants pour préserver son indépendance et surmonter ses complexes, elle qui dissimulait ses dents "grises" et jugeait son visage "bizarre". En 1978, elle débute en jeune fille sérieuse affrontant le psychopathe de Halloween. Contre toute attente, ce film indépendant à petit budget du jeune John Carpenter rapporte 70 millions de dollars. Quelques pellicules d’épouvante plus tard, Jamie Lee Curtis, sacrée scream queen, veut bien pousser sur commande son célèbre cri d’horreur dans les shows télévisés, mais refuse la suite de Halloween, craignant d’être cataloguée. L’actrice va élargir son périmètre, révélant un corps de rêve sculpté par l’aérobic dans Perfect, assumant sa beauté androgyne et son humour dans Un fauteuil pour deux, dévoilant ses failles dans Blue Steel. Puis, elle déconcerte à nouveau en délaissant le cinéma pour la sitcom Anything But Love qui lui laisse le temps de s’occuper de sa famille, avant de reprendre vaillamment le chemin des castings.
Grain de folie
Alors que l’actrice sexagénaire a accepté de rempiler pour une nouvelle trilogie de Halloween – le dernier volet, Halloween Ends, sort le 12 octobre –, revisitée sous l’angle du trauma et de la solidarité féminine, ce documentaire suit le parcours d’une femme fragile mais combative, qui, en quarante ans de carrière, est parvenue à se faire accepter telle qu’elle était, grain de folie compris. L’actrice, aujourd’hui clean, a avoué avoir été accro à un antidouleur, prescrit à la suite d’une opération de chirurgie esthétique, épisode révélateur de la férocité du milieu hollywoodien à l’égard des femmes. Un portrait enlevé, ponctué d’images d’archives, d’extraits de films et d’interviews survoltées de Jamie Lee Curtis.