Les années 80 : une boutade racoleuse ? Louis XIV et Jean-Baptiste Lully (1632-1687) : une histoire bien connue de deux destins liés par la danse et l'opéra, de deux amitiés de jeunesse (2). Le second contribue à la gloire du premier, au développement et au rayonnement - sans égal - de la danse et de l'opéra. Les principales créations ont lieu à Paris (Palais Royal) et à Saint-Germain-en-Laye ; plus rarement à Versailles, à Fontainebleau, à l'Orangerie de Sceaux et au château d'Anet en cette fin du 17e siècle... des années 1680. Le jukebox ? Pourquoi cette étrange machine de la seconde moitié du 20e siècle, destinée à diffuser des pièces à succès, ou "tubes", est-elle convoquée dans un tel projet ? Anachronisme absolu lorsque tout semble séparer ces deux univers... Pourtant, l'apparition du concept de pièces à succès, deux siècles avant l'invention du gramophone des années 1870, ne date évidemment pas des années 1980 : époque liée à la diffusion musicale de masse via l'industrie numérique, radiophonique ou discographique. La période 1680/87 donne naissance aux derniers grands ouvrages de Lully. Déjà une décennie auparavant, son oeuvre connait un large écho auprès du public de la ville et de la Cour. Le succès de ses productions confère un essor inédit de l'édition musicale : par ce moyen, le public s'approprie ses grandes tragédies en musique en partition générale d'orchestre ou en version réduite pour basse continue accompagnant un, voire deux solistes. En marge de l'édition musicale, quelques auteurs anonymes arrangent pour le clavier seul un certain nombre de pièces célèbres issues de ses opéras (3). Ce répertoire manuscrit, à une exception près, est diffusé dans des sources internationales, françaises, anglaises, allemandes, autrichiennes, belges (Pays-Bas du sud), danoises, italiennes et espagnoles. Seul Jean Henry d'Anglebert, l'ami de Lully, publie quinze arrangements - exemplaires - dans ses Pièces de Clavecin en 1689 ; Ces pièces d'orchestre adaptées à l'orgue sont pour la plupart des " tubes " issus de diverses sources manuscrites historiques, à une exception près. Les pièces lyriques en vogue, quant à elles, sont des arrangements actuels, soit en basse continue, soit en réalisation des cinq parties de l'orchestre de Lully. Les mélanges sonores de l'orgue français du Grand Siècle décrits dans les préfaces des Livres d'orgue publiés sous le règne de Louis XIV, Nivers (1665) (5), Lebègue (1676) (6), Raison (1688) (7), Boyvin (1689) (8) ont été utilisés. Enfin, trois motets du secrétaire particulier de Lully, Jean- François Lallouette (1651-1728) ponctuent le programme sans la moindre discontinuité esthétique, bien au contraire. Ils s'inscrivent dans la lignée de ceux de Nicolas Lebègue, merveilleuse illustration de l'art du petit motet français sous le règne de Louis XIV.