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En 1987, six ans avant son prix Nobel, Toni Morrison donnait corps et voix à la mémoire de l'esclavage avec Beloved. Retour sur le chef-d'œuvre plus que jamais brûlant d'une grande dame des lettres disparue en 2019.
Pas un jour ne passe sans que les fractures de l'Amérique ne fassent la une des médias du monde entier. Jamais l’œuvre de Toni Morrison, figure de proue de la littérature afro-américaine contemporaine et grande dame des lettres, n’a autant résonné avec l’actualité, à l’heure où Donald Trump fait campagne pour un second mandat et où son pays s’embrase à nouveau dans une lutte contre les violences racistes. Première femme noire lauréate du prix Nobel de littérature en 1993 pour avoir, selon l’Académie, "rendu morceau par morceau leur histoire aux Africains-Américains", Toni Morrison n’a eu de cesse pendant cinquante ans de mettre en mots l'indicible : l’emprise de la "color line" sur la société américaine, de l'esclavage au racisme ordinaire en passant par la ségrégation. Apparu comme une déflagration dans le paysage littéraire de 1987, son roman Beloved explore le grand tabou de l'esclavage et sa férocité imprimée au plus profond de ceux qui l'ont subi pendant quatre siècles. "Au début, je ne voulais tout simplement pas y aller, résume Toni Morrison dans un entretien d'archive. C'était trop douloureux. Et puis j'ai pensé que si eux l'avaient vécu, je pouvais passer quelques années à l'écrire."
"Soixante millions et davantage"
"Soixante millions et davantage. J'appellerai mon peuple / Celui qui n'était pas mon peuple / Et bien-aimée / Celle qui n'était pas bien-aimée." Ainsi commence l'histoire de Sethe, une esclave en fuite qui, sur le point d'être reprise, égorge sa fillette afin de lui épargner ce qu'elle a vécu elle-même, puis accueille son fantôme, des années plus tard. Inspiré de l'histoire véridique, mais réinventée, d'une esclave nommée Margaret Garner, Beloved épouse l'intériorité de Sethe pour dérouler, toujours plus profondément, le récit de ses souffrances physiques et psychiques, traumas enfouis et transmis en silence de génération en génération. Tissé d'extraits d'entretiens avec Toni Morrison, de ses archives personnelles, de fervents témoignages de lecteurs (l'activiste Mona Jenkins, la poétesse Nikki Giovanni, l'écrivaine Yiyun Li, le metteur en scène Peter Sellars…) et des images des luttes menées depuis plus d'un siècle par l'Amérique noire pour conquérir ses droits, ce documentaire nous immerge dans la genèse et les pages d'un chef-d'œuvre à la puissance intacte.
Où en est la démocratie urbaine ? De Paris à Istanbul en passant par Berlin ou Copenhague, ce film interroge la manière dont se construit la ville et la place qu'y occupent les citoyens.
Ces dernières années, partout en Europe, des milliers d'habitants sont descendus dans la rue pour remettre en cause la représentation politique, mais aussi défendre le droit à l'espace urbain. L'hyperurbanisation à coups de bulldozer et les expropriations massives imposées par les autorités publiques stambouliotes expliquent en partie la révolte de la place Taksim. Plus près de nous, l'installation d'un Ikea dans le centre-ville de Hambourg ou la construction d'un gigantesque centre commercial, portée par Auchan pour le projet du Grand Paris, arrangent les pouvoirs publics, qui n'ont plus les moyens d'investir dans l'espace urbain. Ces exemples charrient leur lot d'interrogations sur l'état de la démocratie urbaine aujourd'hui : comment la ville se transforme-t-elle et quelle place y occupent les citoyens ? Les habitants ont-ils leur mot à dire face aux technocrates, politiques, urbanistes et promoteurs qui façonnent les métropoles ? Les pouvoirs publics sont-ils toujours garants d'une ville ouverte et accessible ?
Contre-pouvoir
De Berlin à Copenhague en passant par Londres ou Toulouse, un voyage émaillé de rencontres avec des experts (la chercheuse Anna Minton, les architectes-urbanistes Jan Gehl et Frédéric Bonnet, le philosophe Thierry Paquot…). Ils décryptent les rapports de force à l'œuvre et s'interrogent sur la constitution de contre-pouvoirs.
Chaque année, en mai, le rituel est le même : une quarantaine de candidats représentant autant de pays, de l'Irlande à l'Azerbaïdjan, affûtent leurs morceaux et leurs tenues satinées.
Né il y a plus de soixante ans, le concours de l'Eurovision, retransmis en simultané sur tout le continent, reste le programme télévisé le plus regardé en Europe. Diffusé la veille de la finale 2017, à Kiev, ce documentaire nous plonge dans les coulisses de l'édition précédente, à Stockholm, où, se pressaient, entre ferveur et hystérie, des fans venus de toute l'Europe. La réalisatrice fait aussi son miel de la salle de presse, immense ruche où deux mille professionnels suivent la manifestation dans une ambiance survoltée.
Géopolitique de la pop music
Du blogueur américain déluré au journaliste allemand féru d'international… et d'Eurovision, en passant par un président de fan-club anglais fin analyste, de nombreux intervenants font partager leurs lumières sur une manifestation moins légère qu'il n'y paraît. Car si le règlement de ce concours à la philosophie fédératrice interdit tout message politique, de nombreux pays, à commencer par ceux de l'ex-bloc soviétique, s'en servent comme d'une tribune et règlent leurs comptes en musique. Lors de l'édition 2016, la sculpturale chanteuse arménienne Iveta a, par exemple, agité le drapeau du Haut-Karabagh, grand sujet de tensions entre son pays et l'Azerbaïdjan, échappant de peu à une disqualification. Chambre d'échos où s'expriment les revendications, s'émancipent les identités sexuelles et se combinent de petits arrangements entre pays, l'Eurovision tend un surprenant miroir à l'Europe, révélant ses tiraillements, mais aussi son pouvoir d'attraction et son besoin de dialogue. Une euphorisante immersion, qui, à l'aide d'archives inédites ou iconiques, retrace aussi les temps forts d'une manifestation haute en couleur, de la revanche métal des Finlandais à l'émouvante victoire de l'Autrichienne Conchita Wurst.