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Ils se sont connus, séparés, retrouvés. Immersion en archives dans quatre décennies de relation tumultueuse entre le cinéaste espagnol et son interprète masculin fétiche.
Si Hollywood a fait d’Antonio Banderas l’acteur espagnol le plus connu au monde, Pedro Almodóvar l’a découvert et a révélé son jeu subtil comme son sex-appeal. Venus de leur province, en quête d’émancipation ou d’horizons plus larges, les deux hommes se rencontrent au début des années 1980 à Madrid où Almodóvar est déjà l’enfant terrible de la Movida, cette exubérance culturelle qui saisit l’Espagne débarrassée du carcan franquiste. De dix ans le cadet de son mentor, Antonio Banderas passe sans transition du Théâtre national madrilène au cinéma excentrique d’Almodóvar, qui lui propose des rôles ouvertement gay. Le jeune Andalou timide sort des premières prises, rouge comme une tomate. Mais il va s’y habituer et devenir l’alter ego du réalisateur, qui fait de lui l’incarnation du trouble au masculin, projetant ses états d’âme et ses fantasmes. Avec le succès de Femmes au bord de la crise de nerfs et d’Attache-moi, l’acteur s’impose comme un sex-symbol et tape dans l’œil averti de Madonna. Il ne résiste pas à l’appel de Hollywood, au grand dam d’Almodóvar, qui jugera sévèrement les prestations américaines de son acteur fétiche. Après Philadelphia (où il décoince Tom Hanks au passage), Banderas se plie aux stéréotypes des majors et endosse de bonne grâce la panoplie du mâle hispanique érotisé (Le masque de Zorro, Entretien avec un vampire, etc.). Après une longue pause (vingt ans) et de belles carrières, les deux hommes se retrouvent pour tourner La piel que habito, puis Douleur et gloire. Dans ce film où Almodóvar se met à nu, Banderas, fragilisé par un accident cardiaque et débarrassé de ses tics hollywoodiens, se révèle bouleversant.
Jeu de miroirs
Cette collaboration féconde et romanesque se raconte à travers un savoureux matériau d’extraits et d’archives (mention spéciale à Pedro en chanteuse punk à chaussons), où l’on voit défiler quarante ans d’une relation complexe, faite de désir, de mimétisme, de distance et de retrouvailles. Partie du lien jaloux entre un cinéaste et sa muse au masculin, celle-ci a évolué au fil de huit films majeurs pour devenir le troublant jeu de miroirs de deux personnalités qui s’inspirent mutuellement. Extravertis l’un comme l’autre, les deux hommes se confient avec autodérision et émotion, comme lors d’une conférence de presse cannoise où Antonio Banderas évoque, la voix étranglée, le bonheur que lui a procuré le tournage de Douleur et gloire.