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Depuis sa naissance mouvementée jusqu’à sa brusque extension territoriale après la guerre des Six Jours, en 1967 vingt années ont posé les bases de l’État d’Israël contemporain. Vingt années décisives pour les communautés juives et arabes de Palestine, mais aussi pour l’ensemble du Moyen-Orient. Vingt années essentielles pour comprendre la genèse d’un conflit toujours au centre de l’actualité.
Première partie : 1897 - 1948
Deuxième partie : 1948 - 1967
Gallimard est unique car cette maison d'édition créée il y a cent ans par des écrivains est toujours animée par eux. Un curieux mélange de flair littéraire et de rouerie commerciale hérités de son fondateur, Gaston Gallimard, lui permet de rester aujourd'hui non seulement indépendante mais puissante et rentable. L'histoire commence en 1911 quand une poigné de jeunes passionnés (Gaston Gallimard, André Gide, Jacques Rivière...) décident de fonder leur maison d'édition. Dès les débuts, Gallimard et Rivière font preuve d'une grande intuition. Cela ne va pas sans certains faux pas, comme le refus d'éditer le premier roman de Proust, Du côté de chez Swann, paru chez Grasset en 1913. Il faudra alors tous les talents et le charme de Gaston Gallimard pour rattraper l'auteur de La recherche : en 1919, À l'ombre des jeunes filles en fleurs obtient le Prix Goncourt et devient le premier succès de la NRF. Céline, Camus, Gary et les autres : une occasion exceptionnelle de découvrir les coulisses de la vie littéraire française du XXe siècle - les colères de Céline réclamant de l'argent et menaçant de "défoncer" la NRF en tracteur, les disputes entre Sartre et Camus, entre Aragon et Paulhan, la lettre adressée à Gallimard par Romain Gary juste avant son suicide... Autant d'échanges qui rendent compte de la foisonnante relation entre les auteurs et leur éditeur.
Marqués par un quotidien sous tension, mais aussi portés par une grande vitalité créative, dix écrivains israéliens majeurs dressent le portrait de leur pays, et en révèlent les ambiguïtés.
"Pour un écrivain, c'est un paradis", assure Eskhol Nevo. Dans les transports où, contrairement aux mutiques Parisiens, les Israéliens s'expriment haut et fort, l'auteur a entendu "des hommes divorcer en direct ou dévoiler des secrets militaires". Israël concentre une telle quantité de tensions, d'identités, de tempéraments et de blessures que le pays constitue une inépuisable source d'inspiration. D'autant que certains auteurs ont grandi auprès d'extraordinaires conteurs. La mère d'Etgar Keret se faisait ainsi un devoir de lui inventer une nouvelle histoire chaque soir. "Pour elle, lire un livre à un enfant, c'était comme lui acheter une pizza pour dîner : ce que faisaient les parents paresseux", raconte-t-il.
Lucidité
Ce documentaire donne la parole à dix figures majeures de la bouillonnante scène littéraire israélienne : Amos Oz, David Grossman, Avraham B. Yehoshua, Alona Kimhi, Meir Shalev, Zeruya Shalev, Eshkol Nevo, Etgar Keret, Benny Barbash et Ronit Matalon, disparue en 2017 et à laquelle le film est dédié. Ces auteurs traduits dans le monde entier dépeignent avec humour, sensibilité et lucidité un environnement à la fois hédoniste et hanté par l'Holocauste, le traumatisme des guerres et le quotidien sous tension. Zeruya Shalev décrit aussi les rapports chargés de culpabilité et d'angoisse entre mère et fils, dans un pays où, à 18 ans, "l'armée vous prend votre enfant". Tous voudraient en finir avec l'occupation des territoires palestiniens, et s'inquiètent de choix politiques désastreux qui menacent la survie de leur pays ou, au mieux, le condamnent à "la stupidité", selon Amos Oz. Ce précis de géopolitique à la lumière de la littérature offre un passionnant portrait, choral et subjectif, d’Israël.
Par William Karel, qui fut son photographe de plateau, une visite guidée dans l’univers de Pialat, dont les films renversants comme le caractère d’écorché vif ont écrit la légende et lui ont octroyé une place unique dans le cinéma.
Comme nul autre, il a transcrit sans filtre sa vie à l’écran. Déchirements, joies, rages et éblouissements… : en seulement dix films, Maurice Pialat (1925-2003) s’est hissé dans la douleur au sommet du cinéma, drainant dans sa légende une exigence folle de vérité autant que des fureurs mémorables pour y parvenir. Cet écorché vif, hanté par ses blessures d’enfance − la ruine d’un père marchand de bois en Auvergne suivie d’un déclassement à Courbevoie, et l’abandon d’une mère qui le confie à sa grand-mère −, conçoit d’abord le rêve d’être peintre. Échouant à le réaliser, après un passage par les Beaux-Arts et les Arts déco, Pialat se perd en ruminations pendant deux décennies, visiteur médical ou encore représentant chez Olivetti pour survivre. Il écrit aussi. Mais alors que la Nouvelle Vague submerge le cinéma français, le refus de ses projets nourrit chez lui une amertume créatrice et une tentation autodestructrice, qui traverseront son œuvre. Avec L’enfance nue, son premier long métrage à 43 ans, le cinéaste imprime pourtant d’emblée sa marque, cet "art de rendre les choses authentiques", selon Chabrol. Mais au fil d’une inclassable filmographie en forme d’autobiographie, d’une rupture (Nous ne vieillirons pas ensemble) à sa paternité émerveillée (Le garçu) en passant par l’agonie de sa mère (La gueule ouverte), le cinéaste ne se départit pas du sentiment d’être incompris. Malgré une reconnaissance internationale pour Van Gogh, deux César pour À nos amours et une fameuse Palme d’or en 1987 pour Sous le soleil de Satan quand, bras d'honneur à l’appui, il lance aux siffleurs : "Si vous ne m'aimez pas, sachez que je ne vous aime pas non plus !"
L’enfer du paradis
"Vous verrez, au début, c’est difficile. Après, c’est carrément l’enfer !" Tels sont les encouragements, en 1983, de l’attaché de presse de Pialat à William Karel, à l’époque photographe de plateau, qui rejoint l’équipe d’À nos amours. Le préambule d’une amitié qui infuse aujourd’hui le film du documentariste sur celui qui deviendra son mentor. Guidé par Serge Toubiana et nourri d’archives rares, ce parcours au cœur de l’œuvre du cinéaste, tourmenté jusqu’à la désespérance, est aussi puissamment éclairé par les témoignages des comédiennes qui ont croisé sa caméra, pour le meilleur et pour le pire. Sandrine Bonnaire se souvient de sa tendresse pour "l’enfant qu’il n’avait pas encore et la petite jeune femme dont il était un peu amoureux", sur le tournage d’À nos amours ; Sophie Marceau, du cauchemar de Police ; tandis que Depardieu évoque leur relation fusionnelle. Le portrait vibrant d’un maître qui s’étonnait : "Comment peut-on éviter le social quand on tourne ? En France, on réussit ce prodige !"
Que reste-t-il du premier président socialiste de la Ve République, figure romanesque aux multiples parts d’ombre ? Au fil de riches témoignages, William Karel signe un bilan critique des années Mitterrand.
Tout à la fois icône adulée sur l’air de la nostalgie et fantôme encombrant de la gauche, François Mitterrand continue de hanter la scène politique plus de vingt ans après sa mort. Une illusion de socialisme perdue et le regret voilé, peut-être, d’une génération politique disparue. Pour mieux cerner les contours flous de cet héritage, William Karel revisite avec précision les deux septennats en clair-obscur du premier président socialiste – celui qui avait promis, citant Rimbaud, de "changer la vie"...
Inventaire sans concession
S’appuyant sur la mémoire de proches (Roland Dumas, Laurent Fabius, Ségolène Royal), de conseillers (Jacques Attali, Georges-Marc Benamou ou Laure Adler), de journalistes ou d'historiens (Pierre Péan, Edwy Plenel, Éric Roussel, Philip Short, Michèle Cotta, Raphaëlle Bacqué, Serge July ou Christophe Barbier) et d’archives, le film retrace les hauts et les bas du long règne d’un homme habité par le pouvoir et rongé par la maladie. Il raconte le fol espoir dans l’euphorie de la victoire du 10 mai 1981, les réformes sociales (retraite à 60 ans, trente-neuf heures, impôt sur les grandes fortunes, égalité salariale entre hommes et femmes...) avant le tournant de 1983, l’emblématique abolition de la peine de mort, les radios libres et les chantiers pharaoniques, mais aussi l’émergence favorisée du Front national. William Karel éclaire aussi les parts d’ombre révélées par le second mandat : les scandales financiers, les suicides de François de Grossouvre et de Pierre Bérégovoy, les écoutes téléphoniques et, surtout, le retour d'un passé occulté, de son allégeance de jeunesse à Vichy et de son amitié avec René Bousquet à son rôle de garde des Sceaux pendant la guerre d’Algérie. Habile politique, Européen converti, père aimant de Mazarine, le président Mitterrand a brillé sans anticiper, et séduit pour vaincre plus que pour convaincre, à distance d'une gauche suiviste en quête d’homme providentiel. Au fil de cet inventaire sans concession resurgit le portrait d’une figure éminemment romanesque.
En extraits de films et d’archives qu’elle commente elle-même, Isabelle Huppert transmet sa vision et son amour du jeu. Un (auto)portrait à la fois pudique et intime, qui fait renaître derrière le monstre sacré les multiples visages de l’actrice.
C’est l’hiver dans les jardins du Palais-Royal. À la journaliste qui l’interroge sur sa "plus grande ambition", la débutante rétorque en souriant : "Toutes." Premier ou second degré ? Malice ou rêverie ? Dans son gros gilet de laine, avec ses joues rondes et ses cheveux blond-roux, cette Isabelle Huppert à peine sortie de l’adolescence possède déjà l’art de se tenir à distance, tout en restant vigoureusement présente. Son mystère, son ironie, son intensité ont marqué un demi-siècle de cinéma, dans une extraordinaire filmographie de près de cent cinquante œuvres. On les retrouve avec bonheur au fil des vingt extraits de films qu’elle a choisis pour composer avec William Karel cet (auto)portrait mosaïque, entremêlés d’archives (films de famille, entretiens) et commentés par elle-même, de Malina, de Werner Schroeter, qui sert de fil rouge à ce "message personnel" adressé au spectateur, à Elle, de Paul Verhoeven, en passant par Les valseuses, La dentellière, Violette Nozière, La porte du paradis, Loulou, Sauve qui peut (la vie), La cérémonie ou La pianiste… Ce tourbillon de visages et d’histoires, qu’elle émaille de ses souvenirs et de la perception de son métier, installe peu à peu avec l’actrice une intimité d’autant plus émouvante que ses incarnations successives font palpiter en nous de bouleversantes réminiscences de cinéma.
"L’art du vrai"
Par le montage s’esquisse ainsi une biographie atypique, entre allégorie cinématographique et réflexion sur l’art, ou peut-être "l’artisanat" des comédiens, dit-elle en citant une phrase glissée par Yves Montand sur le tournage de César et Rosalie. Y sont évoqués Claude Chabrol, Michael Haneke, Jean-Luc Godard, Maurice Pialat, Benoit Jacquot ou Michael Cimino, comme le plaisir qu’elle a eu de tourner avec sa fille Lolita Chammah ou son rapport au théâtre – cet "art du faux", par opposition à "l’art du vrai" que serait, selon Bresson, le cinéma. Isabelle Huppert ne franchit pas pour autant la frontière qu’elle a toujours préservée entre "son occupation préférée", c’est-à-dire "faire des films", et sa personne privée. Mais l’ambivalente alchimie entre l’écran et la vie, qui fait la magie du septième art, porte de bout en bout ce voyage au plus près d’une femme qui entend "rester [elle]-même" dans chacun de ses rôles, et ne peut s’imaginer arrêter de jouer. "J’y pense souvent, s’amuse-t-elle. Mais je ne le ferai jamais."