C'est la ballade de Jo Haquim que nous chante Julien Gangnet avec Mon business model, premier attentat à la bienséance littéraire d'un auteur dont on reparlera. Docteur Joseph et Mister Haquim, mi-teigneuxla-débrouille, surfant sur le bitume entre Barbès et les Maréchaux nord, passant à gué sa misère pour pousser son pion méchant jusqu'à la réussite entrepreunariale; mi-enfant qui crie dans le noir « maman » pour qu'elle revienne, mais que personne n'entend. Alors, comment se dépatouiller du marais quotidien, échapper au purgatoire des petits boulots insipides et usants ? L'ange du Seigneur prendra les traits de M. Camara de Pôle emploi, qui le parachutera chez les Perez, une agence de presse à faits divers, familiale et crépusculaire. Le stagiaire fait souche, s'enracine et finit, avec l'aide d'une domina cloutée harnachée de bons sentiments, et d'une escouade de bras cassés, par créer sa propre officine, une start-up de fin des temps qui dissémine de la news crade all over the world. Argent, filons, indics, tout roule, Raoul ! Voilà pour le biz. Pour le côté perso, Jo endure affres et souffrances : une solitude que tente de soigner un faux marabout (mais thérapeute miracle) connu au temps de l'école et du foot amateur. Reste à Jo une mission sacrée : croisé solitaire, il part en guerre contre la maltraitance infantile, sacerdoce qu'il prendra très – trop – à coeur. Gangnet écrit dans une langue qui file à belle allure, avec fluidité, sveltesse et élégance, et nous délivre une histoire à danser sur le bar. On vous le redit, Mon business model est un vrai et puissant roman noir.