Le 11 septembre 1973, le gouvernement de l'Unité populaire présidé par Salvador Allende est renversé par un coup d'État militaire. L'événement a fait date. Il est plus rare que l'on se rappelle que ce fut à mi-mandat. Rien ou si peu ne demeure dans nos mémoires de la formidable espérance qui se leva dans cet étrange pays du bout du monde aux premières heures du 5 septembre 1970, alors que le candidat Allende arrivait en tête du scrutin présidentiel. Dans les jours et les mois qui suivirent, d'innombrables sans-grade, prolétaires et colonisés de tous les continents apprirent à situer le Chili sur une carte. Ils avaient de belles raisons pour cela, car au Chili, durant près de trois ans, la dignité tint tête à la rapacité des multinationales, la poésie couvrit le gris des murs, les toits des humbles cessèrent d'être faits de tôles et les ventres eurent des oreilles. C'en était trop pour les privilégiés sociopathes de tous poils : une nuit dictatoriale de dix-sept ans s'abattit sur le Chili... Rodrigo Elgueta et Carlos Reyes sont les figures de proue d'une bédé d'auteur qui émerge au Chili, où leurs Années Allende ont bouleversé le regard d'ordinaire condescendant porté sur le 9e art. Et, surtout, Les Années Allende, en mêlant avec brio fiction enlevée et rigueur historique, a offert le récit de ce printemps à des générations qui en avaient été privées. Rodrigo Elgueta et Carlos Reyes prouvent que, riches d'enseignements pour le présent, ces années méritaient d'être délivrées de l'opprobre et de l'oubli.