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Toujours produite et vendue, la fibre cancérigène continue de faire des ravages. Cette enquête souligne l’impossible défi du désamiantage et dénonce les scandales des multinationales prédatrices ou le cynisme de certains pays. Accablant.
"Nous vous proposons ce matériau pour les murs de votre maison. Conçu pour durer toute une vie. Comme votre toit en amiante, comme le revêtement de votre sol. Une vie sans souci." Certes, l’époque n’est plus aux publicités vantant les qualités d’un minerai censé convenir aux rêves de perfection domestique des Trente Glorieuses : l’amiante est en effet interdite en France depuis 1997 et dans toute l’Union européenne depuis 2005. Mais ceux qui pensent que son impact mortifère sur la santé mondiale appartient au passé se trompent lourdement. L'OMS estime qu’elle provoque encore la mort de plus de 100 000 personnes chaque année à travers le monde, cancers et maladies pulmonaires ne se déclarant souvent que plusieurs décennies après l’exposition. Flexible, résistante, formidable isolant et bon marché, l’amiante est utilisée en masse depuis la seconde partie du XXe siècle lorsque pouvoirs publics ou secteur privé en inondent le marché du textile puis du bâtiment, malgré une nocivité attestée par des études scientifiques dès les années 1930. De cet aveuglement volontaire résulte un défi colossal : en Europe, par exemple, il faudra cent ans et plusieurs milliards d'euros pour se débarrasser de la fibre cancérigène, sans parler des dégâts causés par la contamination des déchets répandus dans la nature.
Les métastases du profit
Loin de se contenter de consigner les errements du passé, ce documentaire radiographie aussi notre époque : les symptômes d’une course au profit sont plus prégnants que jamais et les scandales se multiplient comme les métastases d’un capitalisme sans scrupule. L’amiante, elle, gagne de nouveaux marchés. En Russie, la plus grande mine du monde permet d'en exporter 600 000 tonnes chaque année, tout en niant l’idée de maladie professionnelle pour ses ouvriers... mais pas pour ses cadres. Au Bangladesh, des "petites mains" démantèlent cargos et supertankers européens farcis d’amiante sans information sur les dangers qu’elles courent. En Amérique latine, la colère gronde contre certaines entreprises européennes, comme le groupe franco-belgo-suisse Eternit, qui continuent d'exporter un produit pourtant interdit sur le Vieux Continent. Recueillant la parole d’experts, de scientifiques, de militants ou de personnes malades, cette investigation aux séquences chocs, expose une vérité sidérante : malgré les morts, la science et les évidences, la fibre tueuse a encore de beaux jours devant elle.
Quelle était la place des femmes au sein de l’État islamique ? Dans une série d’entretiens exceptionnels réalisés en Syrie, en Irak et en Turquie, plusieurs d’entre elles racontent leur quotidien sous la coupe du califat.
En Syrie et en Irak, les femmes ont constitué un rouage important de l’État islamique (EI). Elles étaient coiffeuses, infirmières, mères au foyer ou enseignantes lorsque Daech a pris le pouvoir à Raqqa, Mossoul ou Deir Ezzor. Une dizaine d’entre elles ont accepté de dépeindre leur vie et leur rôle au sein de l’organisation. Sous couvert d’anonymat, elles décrivent le lavage de cerveau, l’oppression et les violences qu’elles ont subies ou fait subir. Aujourd’hui exilées en Turquie ou cachées en Irak et en Syrie, elles tentent d’oublier un passé douloureux et souvent honteux.
Mécanique de la peur
"Notre métier, c’était de torturer les gens. On en a torturé tellement, je ne sais même plus combien", confie Aïcha. Cette veuve de martyr s’est engagée au sein de la hisba, la police religieuse, pour échapper à la ruine financière. Après des séances d'endoctrinement intensives, elle a été happée par la machine idéologique : "Tu t’imaginais que ces gens étaient des anges venus du ciel rien que pour toi." Comme Oum Farouk, 45 ans, elle patrouillait dans les rues pour faire appliquer la charia, la loi islamique. Mais les deux femmes ont rapidement déchanté, horrifiées par la cruauté du système, entre flagellations pour un bout de peau dépassant du niqab, ongles vernis arrachés à la pince, viols, avortements forcés... Tout refus de se soumettre à l’autorité des djihadistes et des émirs, les plus hauts cadres de l’EI, menait à l’exécution. Un quotidien fait de terreur, de privations, mais aussi d’hypocrisie. "Je connaissais la femme d’un émir. Chez elle, elle portait des vêtements normaux, fumait la chicha, se maquillait", dénonce Ayat. Chargée de conditionner les enfants à la propagande de Daech, cette institutrice décrit aussi une redoutable mécanique de la peur où "des surveillantes en chef" s’immisçaient à l’intérieur des habitations pour contrôler les comportements. Elles sont peu nombreuses à avoir pu résister. Atyaf, coiffeuse à Mossoul, a continué à sublimer clandestinement ses comparses, pour leur "redonner espoir". Mais "s’ils avaient découvert ce que je faisais, ils m’auraient massacrée".