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Le récit foisonnant de la construction de l’opéra Garnier, œuvre d’art total édifiée par le brillant architecte qui lui donna son nom, au cours d’un tumultueux chantier de quinze ans.
Paris, 1858. Après avoir échappé à un attentat devant l'opéra Le Peletier, Napoléon III décide de doter sa capitale d’un écrin plus sûr et plus prestigieux. Contre toute attente, un jeune inconnu, l’architecte Charles Garnier, remporte le concours, damant le pion à des sommités comme Eugène Viollet-le-Duc. Ce lauréat du prix de Rome n’a pas construit grand-chose hormis un immeuble de rapport. Mais il est doué et sait s’entourer. Il recrute ses ex-camarades des Beaux-Arts et de la Villa Médicis. Sous sa houlette, ils édifieront un bâtiment qui va révolutionner la conception de l’opéra. Charles Garnier envisage son théâtre comme une œuvre d’art total, convoquant peinture, sculpture et science des volumes. Contrastes des ors et des ombres, cascades d’ornements, ordonnancement des salles, palette solaire des couleurs : tout est fait pour plonger d’emblée le public dans une atmosphère féerique. Novateur, l’architecte étaie ce gigantesque théâtre d’une armature de métal, matériau à l’époque peu utilisé. Il ménage des espaces de première classe aux abonnés et à l’empereur, qui se voit doté aussi d’un accès sécurisé. Entravé par une série d’obstacles, ce chantier pharaonique va durer quinze ans, entre escarmouches avec le baron Haussmann, sous-sol gorgé d’eau, naufrage du Second Empire et attaques du camp républicain qui juge l’opération dispendieuse. Après deux interruptions dues à la guerre de 1870 et à la Commune, la IIIe République décide de reprendre les travaux, afin de doter Paris d’un opéra et de se parer du faste impérial.
Encombrant fantôme
Ce documentaire foisonnant nous happe dans un tourbillon d’images, d’airs lyriques et d’anecdotes. Soignant les reconstitutions et le choix des intervenants (historiens, architecte, conservateurs de musées), il entremêle la biographie de Charles Garnier, visionnaire fragile mais tenace, happé par un chantier dont l’esthétique méditerranéenne s’oppose à l’épure haussmannienne, et l’histoire de l’urbanisme parisien et du Second Empire. Il dévoile aussi la psyché tourmentée de cet écrin bourgeois peuplé de démons refoulés, à l’image de l’encombrant fantôme imaginé par Gaston Leroux.
D'après les écrits et les photos du précepteur suisse Pierre Gilliard, un témoignage unique sur la fin tragique de la dynastie impériale, croisé avec le vibrant récit de la révolution russe.
En 1904, le jeune Pierre Gilliard quitte sa Suisse natale pour devenir le professeur de français de la famille impériale russe. Il ignore qu'il va partager son quotidien durant treize ans, jusqu'à la fin tragique des Romanov, sommairement exécutés à Ekaterinbourg en juillet 1918. Peuplée à 80 % de paysans, la Russie d'alors reste fidèle à la trinité "terre-Église-tsar". Mais l'essor industriel a fait naître un prolétariat urbain et une bourgeoisie qui aspirent à plus de liberté. Inconscient de ces évolutions, le tsar Nicolas II gouverne en autocrate, avec la bénédiction de son épouse Alexandra, qui a embrassé la religion orthodoxe avec le zèle des convertis, et subira bientôt l'influence délétère de Raspoutine.
Fidélité
Sans partager la vision passéiste du couple impérial, Pierre Gilliard va s'attacher aux enfants comme aux parents et gagner leur confiance. En 1913, il devient le précepteur du tsarévitch Alexis, objet d'inquiétudes car il est hémophile, et persuade son père et sa mère d'ouvrir au monde ce jeune héritier surprotégé. Lorsque la famille, qui a repris son nom de Romanov après l'abdication de Nicolas II, est assignée à résidence, Gilliard fait le choix de demeurer prisonnier avec eux. Il échappera au massacre grâce à sa citoyenneté suisse.
Fondé sur son journal intime (Treize années à la cour de Russie, publié chez Payot avec succès en 1921) et sur ses excellentes et émouvantes photographies, ainsi que sur des scènes reconstituées, ce documentaire offre un témoignage exceptionnel sur le quotidien de la famille impériale. Le film replace celui-ci dans le contexte troublé de l'époque, en retraçant avec brio, à l'aide d'archives et d'interviews d'historiens, les affrontements idéologiques qui ont émaillé la première révolution prolétarienne victorieuse de l’histoire.