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Le livre de Hans Prinzhorn marque un seuil décisif. Il est le lieu d'une première rencontre entre, d'une part, le regard du médecin, d'un homme exceptionnel qui porte en lui les inquiétudes de la culture contemporaine, et, d'autre part, les documents issus d'un continent, la schizophrénie, dont les nosographes viennent de délimiter les contours sur la carte de la pathologie mentale. Ce qui résulte de la rencontre, c'est que les documents faussent compagnie aux pièces du dossier hospitalier : ils sont recevables comme un art où l'on peut reconnaître les traits de l'art moderne. Une fois le livre paru, Max Ernst, Paul Klee, Kubin, entre autres, ont salué comme leurs pairs les créateurs anonymes qui s'étaient mis à la tâche, en toute ignorance, derrière les murs des asiles. Mais Prinzhorn est trop médecin pour que l'héroïsation de la maladie ne lui paraisse pas une duperie et il est trop artiste pour rejeter l'intention novatrice, comme le feront les régimes totalitaires, sous prétexte de formalisme ou de dégénérescence. Il entreprend de consacrer à la production plastique des fous - dessins, peintures, sculptures - l'attention stylistique la plus minutieuse et il peut alors y reconnaître à l'œuvre ce qu'il nomme un pouvoir de Gestaltung, de mise en forme, originaire, sorte de poussée vitale vers l'expression.
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