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Après quoi court Tom Cruise ? Sur un rythme alerte, ce documentaire sonde la part d'ombre d'un acteur à l'esprit tourmenté et au physique à toute épreuve.
Dès son bout d'essai pour Risky Business, l'ambivalence est là, tapie sous le sourire engageant, qui laisse place à une expression inquiète. Avec son énergie, sa virilité juvénile et son désir de conquête, Tom Cruise fait figure de candidat idéal d’un Hollywood sous influence reaganienne, qui veut oublier le traumatisme du Viêtnam. Le jeune homme se coule avec aisance dans des rôles de fils à papa, lui qui a grandi sans père dans un milieu populaire. Faut-il voir dans cette blessure et une vie de famille instable la source de la fêlure qui viendra enrichir un jeu d'acteur moins lisse qu'il n'y paraît ? Ambitieux et déterminé, Tom Cruise connaît une ascension fulgurante. Après le triomphal Top Gun, il refuse la facilité d'une suite et préfère prendre des leçons sous la direction de grands cinéastes en se frottant à des mentors comme Paul Newman dans La couleur de l'argent. En 1996, honneur suprême, le maître Stanley Kubrick lui propose de tourner avec son épouse Nicole Kidman, dans Eyes Wide Shut. Le couple accepte de servir de cobaye et déménage à Londres. Bilan : un tournage éprouvant, un grand film vénéneux et un divorce.
Cascades insensées
Malgré son talent et sa réussite, Tom Cruise, par excès d'arrogance et fanatisme, s'est aliéné une partie de la critique et n'a jamais obtenu l'Oscar en près de quarante ans de carrière. L'adhésion totale de l'acteur à la scientologie a fini par le desservir. Mais depuis les années 2000, il se réinvente et séduit le public avec des rôles toujours plus physiques où il paraît éternellement jeune, enchaînant courses folles et cascades insensées. Sur un rythme alerte, calé sur celui de son frénétique héros, ce documentaire entrelace extraits de films, images d'archives et parodies – notamment de l'interview controversée où l'acteur saute comme un cabri devant Oprah Winfrey – pour explorer la part d'ombre et le pouvoir de fascination d'une star insaisissable qui semble vouée corps et âme au cinéma.
Un retour aux sources du phénomène Depp pour retrouver, caché derrière les boursouflures de la star, un acteur à l’intériorité unique.
C’est en vendant des stylos par téléphone au tournant des eighties que Johnny Depp, jeune rockeur punk en galère dans la Cité des Anges, affirme avoir débuté sa "formation" d’acteur, s’inventant au bout du fil des personnages différents pour tromper l’ennui. Mais c’est par Alison, sa première femme, maquilleuse à Hollywood, qu’il entre en mercenaire anonyme dans les soutes de l’usine à rêves, passant sans se faire voir dans quelques films de seconde zone. Le succès fulgurant d’une série pour adolescents, 21 Jump Street, le catapulte produit phare de l’industrie, avant qu’il ne prenne la fuite, décidé à faire ce qui lui plaît puisqu’il en a désormais les moyens. La même année (1990), Cry-Baby de John Waters, puis Edward aux mains d’argent de Tim Burton lui révèlent qu’au cinéma il peut être lui-même plus que partout ailleurs, avec sa révolte rock et ses fêlures enracinées dans une enfance errante et déshéritée. "Je suis moi", répond-il quand on lui demande le secret de son extraordinaire présence à l’écran.
Keaton, Burton, Brando, Sparrow
De fait, Tim Burton, qui va faire de lui son alter ego dans une longue suite de films (Ed Wood, Sleepy Hollow, Charlie et la chocolaterie, Les noces funèbres, Sweeney Todd, Dark Shadows...), considère Johnny Depp comme un être en marge qui peut faire l’acteur, plutôt qu’un acteur qui joue des êtres en marge. Jim Jarmusch, qui lui a donné avec Dead Man (1995) un rôle inoubliable, voit en lui un comédien à l’intériorité unique, capable de transmettre par la profondeur de son regard des émotions intenses, à l’égal de Buster Keaton, que le jeune Depp admire entre tous. En 1995, il rencontre Marlon Brando sur le plateau de Don Juan DeMarco, et celui-ci l’adoube comme un successeur et un ami. Trois ans plus tard, le ravageur Hunter S. Thomson, l’inventeur du journalisme "gonzo", que Johnny Depp incarne dans Las Vegas parano, adaptation par Terry Gilliam du livre le plus célèbre de l’écrivain, devient pour l’acteur un deuxième mentor, presque un double.
Mais en parallèle, la presse tabloïd ne cesse de renvoyer à ses frasques de beau gosse sulfureux, amateur d’excès en tout genre, celui qui reste malgré tout une star étrangère au système. Ce rêve américain qu’il n’a cessé de subvertir le rattrape en 2003, à 40 ans tout juste, lorsque sa composition du capitaine alcoolique Jack Sparrow dans Pirate des Caraïbes remporte un succès phénoménal. S’il devient alors l’acteur le mieux payé de l’histoire du cinéma, Johnny Depp semble au fil de la saga Disney – et jusque dans ses récents démêlés judiciaires – se transformer en caricature de lui-même, au point de faire à peu près oublier aujourd’hui la beauté singulière de sa filmographie. C’est l’une des grâces de ce portrait que de nous la restituer.