En dépit d'un dispositif légal qui se voudrait drastique, les firmes chimiques sont toujours en mesure de commercialiser des produits toxiques. Manipulation de données, expertises indécises, dérogations en cascade, cette enquête fait état d'une véritable mainmise des industriels sur les procédures de contrôle, éclairant ainsi les ressorts de cette bureaucratie des molécules. Depuis les années 1960, d'ambitieux dispositifs réglementaires promettent de contrôler les produits chimiques auxquels nous sommes exposés quotidiennement. Pourtant, les rares " interdictions " prononcées sont systématiquement assorties de dérogations permettant de continuer à les utiliser. Pourquoi les États semblent-ils incapables de prononcer des décisions fermes ? Comment la commercialisation de substances toxiques est-elle devenue " légale " ? Ce livre montre comment les grandes entreprises chimiques ont inscrit dans le droit l'impossibilité d'interdire leurs molécules, si toxiques soient-elles. Depuis 2006, le règlement REACH encadre leur commercialisation en Europe. Ce texte promettait de résoudre la méconnaissance des effets de dizaines de milliers de substances présentes sur le marché et d'améliorer leur contrôle. Finalement, les entreprises sont au cœur de la fabrique de l'expertise et les agences publiques se retrouvent à évaluer les risques de produits pour lesquels elles n'ont aucune donnée solide. En suivant la trajectoire de trois molécules dangereuses – un sel métallique, un solvant et un plastifiant –, l'enquête de l'auteur montre comment REACH organise leur maintien sur le marché. L'histoire retracée dans ce livre est caractéristique de la manière dont certaines grandes réformes contemporaines masquent en fait un désengagement de l'État sans précédent. L'expertise est externalisée, les données fournies sont insuffisantes, les procédures dérogatoires multiples. Les firmes maîtrisent, plus que jamais, les ressorts de cette bureaucratie industrielle.