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Dans l'Allemagne de l'Ouest des années 1960, le combat obstiné du procureur Fritz Bauer pour que soient jugés les criminels nazis

Francfort-sur-le-Main, 20 décembre 1963. Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, une cour fédérale allemande s'apprête à juger d'anciens criminels nazis. Au terme d'une instruction dirigée pendant cinq ans par Fritz Bauer, 22 prévenus sont sur le banc des accusés. En poste au camp d'extermination d'Auschwitz, ils étaient SS, membres de la Gestapo, médecin, dentiste ou encore kapos. Dans un pays désormais divisé et où le miracle économique va de pair avec une politique de l'oubli, le procureur général du Land de la Hesse veut confronter l'Allemagne à son passé. Jusqu'en août 1965, 360 anciens déportés vont relater les atrocités dont ils ont été victimes ou témoins. Avec effroi, les jeunes Allemands découvrent alors l'ampleur des crimes commis par la génération de leurs parents.

Rendre justice
Adhérent du parti social-démocrate et de confession juive, le juge Fritz Bauer a été poussé à l'exil en 1935, après avoir été interné deux ans en camp de concentration et exclu de la fonction publique. À son retour en Allemagne après-guerre, nommé procureur général à Francfort en 1956, il lance plusieurs procédures afin de retrouver d'anciens criminels de guerre nazis en fuite, notamment le docteur Mengele. Empêché de mener à bien ses enquêtes, il se résoudra à livrer aux services secrets israéliens les informations qui permettront l'enlèvement puis le procès à Jérusalem, en 1961, d'Adolf Eichmann, le "logisticien" de la "solution finale". Les éclairages de spécialistes (historiens, juristes, biographes de Fritz Bauer) et de nombreuses archives retracent son combat obstiné pour mettre en lumière l'échec de la dénazification, briser le silence sur les crimes du IIIe Reich et rendre justice à ses innombrables victimes.

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Nouveauté

Disparu en 2021, Melvin Van Peebles a révolutionné la représentation des Noirs à l’écran avec Sweet Sweetback’s Baadasssss Song. Sexe, guérilla et émancipation au menu de ce décapant documentaire.

 

Detroit, le 31 mars 1971. Une foule jeune et noire se presse devant le cinéma Grand Circus, une affluence inhabituelle pour un film indépendant classé X au titre bizarre, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song. Ébahi et ravi, le public découvre un héros noir en révolte contre une Amérique raciste. Employé dans une maison close du ghetto de Watts, à Los Angeles, Sweetback a pris la tangente parce qu’il a défendu un Black Panther et assommé les policiers qui l’agressaient. "Le thème du film c’est : vous avez saigné mon père et ma mère, mais vous ne m’aurez pas", résume posément Melvin Van Peebles. Le réalisateur n’en est pas à son coup d’essai. Après un exil fructueux en France, il est revenu aux États-Unis pour tourner Watermelon Man, comédie narquoise narrant les aventures d’un Blanc qui se réveille dans un corps noir et ne s’en trouve pas plus mal. Une fin progressiste intégrée au montage final au nez et à la barbe des studios.

Cinéma guérilla
Avec Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, le cinéaste pousse le curseur plus loin et porte le Black Power à l’écran. Du titre (issu de l’argot afro-américain) à la musique (un funk expérimental bidouillé par Melvin lui-même, avec l’aide de prometteurs débutants, les Earth, Wind and Fire) en passant par le décor (Watts, théâtre des émeutes antiracistes de 1965), tout inscrit le film dans l’avant-garde et, fait nouveau, le destine au public noir. Sous-représentés au cinéma, les Afro-Américains sont enfermés à l’époque dans des carcans stéréotypés pensés par et pour les Blancs (jeunes premiers clairs de peau, serviteurs dévoués…). Pour imposer ses vues, Melvin Van Peebles va détourner le système hollywoodien, pratiquant ce qu’il appelle le "cinéma guérilla". Pas d’argent ? Il emprunte à son ami Bill Cosby et aux caïds du ghetto, au risque d’y laisser sa peau. Pas de quoi recruter des techniciens syndiqués ? Il opte pour la classification X, moins contraignante, et fait le tour des plateaux porno pour repérer les meilleurs cadreurs. Des ennuis avec la censure ? Il fait de la mise à l’index de son film une arme politique.
Avec en main le journal de tournage au titre éponyme de Melvin Van Peebles, ses proches, notamment ses enfants et son petit-fils, en lisent des extraits et témoignent, replongeant dans l’épopée rocambolesque de ce film émancipateur qui remporta un succès phénoménal. Après avoir ouvert la voie à l’éphémère Blaxploitation, à travers une flopée de films à petit budget qui édulcorent son message politique, Sweet Sweetback fera par la suite des émules plus combatifs (Spike Lee, John Singleton, Ava DuVernay…). Rempli d’archives qui immergent dans l’atmosphère libertaire et explosive des seventies, ce documentaire comporte aussi de nombreuses interviews de Melvin Van Peebles, où, flegmatique et direct, le cinéaste, disparu en 2021, raconte ses déboires, sa débrouille et assène quelques décapantes vérités.

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