Pays d'excellence des architectures sans architecte, le Yémen recèle des trésors d'harmonie. A l'étonnante diversité des reliefs, des climats, des contraintes du site, le paysan bâtisseur propose, avec les moyens les plus limités, des réponses dont la justesse prend la force de l'évidence. Au lieu de s'opposer à la nature, l'homme œuvre dans son prolongement pour créer un monde d'équilibre. Avec un mimétisme spectaculaire la maison s'inscrit dans le paysage. Cet accord avec le milieu se double de sensualité : la maison accompagne les gestes de l'homme. La maison n'est pas une coquille vide dans laquelle on vient tant bien que mal se glisser, elle est ici notre plus grand corps. Dans un étonnant jeu de miroir, le maquillage des femmes répond à celui des ouvertures, le trait du sourcil à l'arcature de la baie, le masque de beauté au décor de la façade, les nattes de la coiffure aux tresses qui arriment la couverture des huttes... Les demeures austères et généreuses sont le support d'une expression faite de liberté et d'inventivité. La maison est un blason, la vitrine haute en couleur de la réussite de son propriétaire. Les forteresses de pierres sèches se parent d'oiseaux, chantant parmi les palmes. Les intérieurs des huttes, qui peuvent accueillir le plus grand nombre d'invités, se couvrent d'assiettes émaillées et racontent, à la manière de bandes dessinées, tous les rêves de verdure et de boissons fraîches, d'immeuble avec ascenseur, de moto rutilante... sans oublier les outils nécessaires en cas de panne. Le palais de boue séchée sur huit étages se voit bariolé d'un camaïeu acidulé, rythmé de faux pilastres. Les échoppes se muent en compositions picturales que ne renierait pas Hundertwasser, tandis que le portail fait un clin d'œil à Mondrian. La maison est un tableau !