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En l'espace d'une vie qui ne fut pas très longue, entre le 21 mai 1471, date de la naissance d'Albrecht Dürer, et le 6 avril 1528, date de sa mort, le visage de l'Europe avait changé. Les brouillards, les tourments, les incertitudes, les ignorances, dont les esprits étaient encore enveloppés au Moyen Age, peu à peu se dissipaient. Ce n'était pas, à proprement parler, les signes d'un bouleversement qui apparaissaient dans la civilisation occidentale, c'était la civilisation elle-même qui se fondait, s'échafaudait, dans l'effort encore fragmenté, mais puissant, d'une culture à la recherche de sa propre nécessité et de sa propre destinée. A la charnière des deux siècles, dans les malheurs de la fin du monde, se situe l'un des moments les plus angoissés et les plus décisifs de l'histoire de l'Occident. Nul artiste mieux que Dürer ne devait en porter dans son œuvre le témoignage, en une vision d'abord inquiète qu'atténuait à peine l'obscure conscience d'un pressentiment, puis avec la lucidité d'un homme des temps nouveaux pour qui l'avenir laisse déjà poindre ses lumières.